Cambodge : quel modèle concessionnaire ? - fasopo
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congénitalement illégale de l’exploitation forestière, concerne les <strong>concessionnaire</strong>s eux-<br />
mêmes qui, le plus souvent, sont des hommes d’affaires cambodgiens proches des politiques<br />
et des militaires ou des étrangers qui nécessairement passent par eux. Ce ne sont pas des<br />
professionnels. Ils sont donc assez peu sensibles au respect de la légalité et des normes<br />
sectorielles, et le recours systématique à des faveurs et à des arrangements politico-militaires<br />
fait pleinement partie de leur éthos économique. Ce qui ne veut pas dire pour autant que la<br />
présence de grands groupes forestiers et d’investisseurs étrangers connus dans la profession<br />
empêcherait toute pratique illégale et tout comportement délictueux : les cas de l’Indonésie et<br />
de la Malaisie en Asie, du Cameroun ou du Gabon en Afrique par exemple, sont là pour<br />
rappeler que les investisseurs locaux ou non spécialisés n’ont pas le monopole de conduites<br />
délinquantes. En revanche, leur absence est significative de la faible rentabilité du secteur au<br />
<strong>Cambodge</strong>.<br />
Tel qu’il s’y est déployé, le système <strong>concessionnaire</strong> est donc en opposition complète avec ses<br />
objectifs attendus et il n’a pu que perpétuer une gestion forestière de court terme. Selon la<br />
Revue des concessions de 2000, aucune d’entre elles n’était à cette date gérée dans la durée,<br />
les incitations à une exploitation rentière étant beaucoup plus fortes 96 : les concessions ne sont<br />
pas viables à faible taux d’exploitation étant donné le non professionnalisme des intervenants,<br />
le double système de redevances formelles et informelles, le contexte politique et sociale de<br />
l’exploitation forestière, la forte demande immédiate, l’existence de réseaux structurés de<br />
commercialisation, les opportunités financières liées à un tel système prédateur et rentier…<br />
De sorte que le système <strong>concessionnaire</strong> est paradoxalement devenu un instrument rationalisé<br />
de la rente et de la prédation. Les investisseurs préfèrent rester deux, cinq, voire au maximum<br />
dix ans en exploitant de façon intensive la forêt plutôt que de rester vingt-cinq, trente, ou<br />
même soixante-dix ans en étant attentifs aux temps de reproduction et de maturation 97 .<br />
L’illustration la plus visible de cette gestion rentière et court-termiste de la forêt est offerte par<br />
la baisse importante et continue du nombre total de concessions à partir du milieu des années<br />
1990 ainsi que par l’annulation de contrats à l’initiative des <strong>concessionnaire</strong>s eux-mêmes et<br />
non de l’administration. Aujourd’hui par exemple, on estime que les concessions ne couvrent<br />
plus « que » 2,7 millions d’hectares contre plus de 8 millions d’hectares dans les plus belles<br />
96 Royal Government of Cambodia, Ministry of Agriculture, Forestry and Fishery, Department of Forestry and<br />
Wildlife, Cambodian Forest Concession Review Report, op.cit.<br />
97 Bruce McKenney and Prom Tola, Natural Resources and Rural Livelihoods in Cambodia…op.cit.