Cambodge : quel modèle concessionnaire ? - fasopo
Cambodge : quel modèle concessionnaire ? - fasopo
Cambodge : quel modèle concessionnaire ? - fasopo
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
57<br />
blason auprès des bailleurs de fonds, le gouvernement a débuté une opération de « nettoyage »<br />
du secteur forestier. La lutte contre les coupes illégales s’est bien évidemment avant tout<br />
orientée vers les petits entrepreneurs individuels et les exploitants ne bénéficiant ni de<br />
concessions, ni de connections politiques, les grands <strong>concessionnaire</strong>s étant à peine<br />
concernés 176 . Les villageois et les migrants s’adonnent effectivement à la déforestation<br />
illégale, notamment pour libérer des terres et faire avancer les fronts pionniers. Mais il n’est<br />
pas moins certain que ces faits avérés sont régulièrement instrumentalisés par le pouvoir<br />
central pour protéger les propriétaires et principaux bénéficiaires des concessions 177 . Cette<br />
tactique de contournement classique s’est très concrètement traduite par la perte de milliers<br />
d’emplois chez les petits exploitants individuels ou villageois, favorisant une concentration<br />
des profits par les <strong>concessionnaire</strong>s et une monopolisation de l’accès aux forêts.<br />
Bien évidemment, tout ne peut pas se résumer en un affrontement dual entre les « riches » et<br />
les « pauvres », entre les <strong>concessionnaire</strong>s et les « communautés locales ». Même si les effets<br />
simultanés et complémentaires d’enrichissement et d’appauvrissement sont puissants, des<br />
processus de différenciation sociale plus subtils sont à l’œuvre. Les grands <strong>concessionnaire</strong>s,<br />
les généraux et commandants de l’armée, les proches du Premier ministre, du ministre de<br />
l’Intérieur ou du ministre de l’Agriculture sont certes les principaux bénéficiaires du système<br />
<strong>concessionnaire</strong>, mais de nombreux autres acteurs y trouvent de quoi s’enrichir, ou du moins<br />
vivre correctement. Parmi ceux-ci figurent les nombreux sous-traitants employés par les<br />
<strong>concessionnaire</strong>s pour exploiter la forêt, recruter la main-d’œuvre, transporter le bois ; les<br />
militaires non gradés qui travaillent en tant que sous-contractants, employés ou gardes ; les<br />
policiers, militaires et fonctionnaires en position de bénéficier ici ou là des nombreux<br />
versements parallèles ; les chefs de village ou de commune qui apaisent les conflits et<br />
trouvent des compromis avec les <strong>concessionnaire</strong>s ; etc.<br />
Au sein des villages, les différenciations sociales et plus encore les réactions différenciées<br />
face à la création puis au déploiement des concessions sont elles aussi importantes. Les lignes<br />
de clivages sont dessinées à la fois par l’âge, ou plus précisément la hiérarchie sociale liée à<br />
l’âge, par le statut social, par l’expérience migratoire ou professionnelle, par la proximité à<br />
176 P.Le Billon, « Logging in Muddy Waters… », art.cité<br />
177 Cette stratégie est même rationalisée comme l’indique les lettres du ministre de l’Environnement au secrétaire<br />
d’Etat, n°32 Ror Bor, Bor Sthor, 11 juillet 2001 et n°49 Bor Sthor du 22 octobre 2001 mettant en avant ces<br />
dérives des « petits » tout en soulignant les améliorations remarquées du côté des « grands », les<br />
<strong>concessionnaire</strong>s attitrés.