Cambodge : quel modèle concessionnaire ? - fasopo
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militaires sont effectivement sous l’autorité incontestée de ses commandants et non pas<br />
directement des généraux de Phnom Penh ; ils utilisent leurs propres réseaux et leurs propres<br />
alliances avec les élites locales, régionales et souvent étrangères pour développer leurs<br />
affaires ; mais les liens familiaux, amicaux, partisans et factionnels les unissent au pouvoir<br />
central, sans bien entendu gommer les tensions, les rivalités et les luttes factionnelles 149 . Les<br />
activités forestières reflètent et renforcent ces relations de pouvoir. C’est effectivement pour<br />
sécuriser cette allégeance politique avec l’armée, que le pouvoir central civil lui a octroyé en<br />
1994 des territoires entiers ainsi que, la même année, le monopole du contrôle des licences<br />
d’exportation de bois 150 ; c’est pour cette même raison qu’il n’a jamais remis en cause les<br />
zones de développement militaires et qu’il lui délègue en <strong>quel</strong>que sorte la gestion des<br />
frontières avec le Vietnam et la Thaïlande.<br />
Dans ce cadre, les critiques véhémentes, par exemple du département des forêts du ministère<br />
de l’Agriculture, ne doivent pas être comprises, en tout cas pas uniquement, comme une<br />
dénonciation de la corruption par des acteurs centraux en quête de moralité et… d’un meilleur<br />
contrôle sur les ressources nationales. Elles sont peut-être l’expression d’une conscience<br />
bureaucratique, voire d’un véritable souci de l’intérêt général de la part de <strong>quel</strong>ques<br />
fonctionnaires ; elles font incontestablement partie des manifestations de la lutte des clans au<br />
sein du PPC ; mais elles révèlent aussi un jeu subtil entre les divers acteurs cambodgiens face<br />
à la pression extérieure et aux plaintes internes, notamment de la part de populations locales<br />
en butte à l’arrogance des compagnies <strong>concessionnaire</strong>s et de leurs sous-traitants. Malgré les<br />
dénonciations, les membres du département des forêts sont d’une certaine manière impliqués<br />
dans ces arrangements locaux entre armée et homme d’affaires indélicats et la part<br />
d’instrumentalisation ne doit pas être sous-estimée : ces critiques rendues publiques par des<br />
rapports de l’administration centrale, des déclarations de hauts fonctionnaires et surtout<br />
d’hommes politiques et de ministres, à commencer par le premier d’entre eux, font souvent<br />
partie d’une stratégie plus large de construction d’une façade réformiste et de gestion de la<br />
contrainte extérieure. Les responsables cambodgiens sont les premiers à dénoncer les coupes<br />
illégales à l’instar de Sar Kheng, ministre de l’Intérieur en 2000, qui dénonçait publiquement<br />
la collusion entre autorités provinciales et militaires dans la région de Mondolkiri et l’ampleur<br />
des exportations illégales vers le Vietnam en soulignant la « big cooperation at provincial<br />
149 Global Witness, Taking a Cut… op.cit. pp.21-37 et notamment tableau p.27 et 28 sur les liens entre les<br />
hommes forts locaux et les généraux proches de Hun Sen.<br />
150 P.Le Billon, « Logging in Muddy Waters… », art.cité