Cambodge : quel modèle concessionnaire ? - fasopo
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raisons géographiques et politiques, les relations ont été particulièrement puissantes avec la<br />
Thaïlande et le Vietnam, mais on retrouve également de fortes coopérations avec les figures<br />
politiques régionales plus lointaines (par exemple avec la famille Suharto) et leurs alliés du<br />
monde des affaires, notamment des compagnies chinoises d’outre-mer 122 . Ces alliances sont<br />
bien entendu fondées sur des intérêts économiques et financiers, mais elles offrent aussi<br />
d’excellentes opportunités politiques : les deux co-Premiers ministres cambodgiens par<br />
exemple étaient jusqu’au coup d’Etat de 1997 alliés aux ministres thaïlandais des Affaires<br />
étrangères et de l’Intérieur sur le trafic de bois en provenance de la région de Pailin et plus<br />
généralement des zones frontalières. Or celles-ci se situaient (et se situent toujours) en<br />
territoire Khmer Rouge, ce qui fournissait également l’occasion au gouvernement cambodgien<br />
de lier des relations avec eux et aux deux partis au pouvoir de se concurrencer pour tenter<br />
d’établir avec eux des alliances et, dans un second temps, de les rallier 123 .<br />
Ce processus de privatisation et de délégation est complexe. De par ses ramifications diverses<br />
et ses redéploiements locaux, il est propice à un développement fragmenté et centrifuge,<br />
ouvert aux jeux d’influence concurrents, laissant apparaître incohérences et donnant parfois<br />
même un réel sentiment d’anarchie. Mais simultanément, il reste fortement contrôlé par le<br />
pouvoir central, à commencer par Hun Sen et son bras droit Sok An par qui tous les<br />
investissements d’envergure doivent passer. Cette dialectique permanente dessine les contours<br />
des modes de gouvernement cambodgiens, laissant la part belle aux tensions, aux conflits,<br />
voire à la violence, mais aussi aux confusions, aux ambiguïtés et aux concurrences.<br />
Incohérences et fragmentations du <strong>modèle</strong> <strong>concessionnaire</strong><br />
Ces incohérences fondent l’analyse des bailleurs de fonds, leur stratégie de rationalisation et<br />
de perfectionnement technique systématique. Bien que partielle et souffrant d’un apolitisme<br />
incontestablement problématique, cette compréhension de la situation cambodgienne repose<br />
sur des faits indéniables à l’instar des concessions octroyées sans contrat, des<br />
<strong>concessionnaire</strong>s inconnus, non identifiés, sans adresse, sans relations avec le ministère de<br />
l’Agriculture, absents des réunions, ne répondant ni aux convocations de l’administration ni<br />
122 P.Le Billon, « Logging in Muddy Waters… », art.cité et ci-dessous, F.Mengin, « la variable chinoise », infra.<br />
123 Global Witness, Corruption, War & Forest Policy… op.cit. ainsi que P.Le Billon, « Logging in Muddy<br />
Waters… », art.cité