Cambodge : quel modèle concessionnaire ? - fasopo
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26<br />
violence sociale et la coercition politique et par un processus de consolidation du pouvoir<br />
PPC 79 . Le catéchisme ambiant est certainement pour partie responsable de cette myopie 80 : le<br />
système de concession a été considéré de façon unanime comme la meilleure des solutions en<br />
dépit des conclusions toujours plus négatives des nombreux rapports publiés par la Banque<br />
mondiale, la BAD, le groupe de travail conjoint… 81 ; l’étouffement systématique des<br />
réformes n’a pas non plus été jugé suffisamment problématique pour compromettre le <strong>modèle</strong><br />
<strong>concessionnaire</strong> considéré comme l’incarnation du partenariat public/privé, nouveau credo<br />
des institutions internationales. Mais le poids des habitudes et pour tout dire une certaine<br />
paresse intellectuelle ont également leur part de responsabilité. La pression des bailleurs de<br />
fonds pour faire cesser les coupes illégales et réduire la corruption a eu pour effet pervers de<br />
concentrer tous les efforts sur une amélioration continue des pratiques <strong>concessionnaire</strong>s et de<br />
négliger un débat plus large et sans doute plus important sur le développement durable et sur<br />
une vision à long terme de la gestion forestière 82 .<br />
Une quatrième raison, sans doute la plus puissante dans le contexte cambodgien actuel, est<br />
pour ainsi dire le dilettantisme et l’inconstance des donateurs en matière de pression et<br />
d’exercice effectif de conditionnalités, caractéristiques d’autant plus étonnantes qu’ils<br />
fournissent au <strong>Cambodge</strong> plus de la moitié du budget national depuis les années 1990 et que<br />
l’aide étrangère représente plus de 150% des revenus étatiques 83 . Le cas du FMI mentionné<br />
plus haut est symptomatique de cette posture : après la suspension de son prêt en 1996 il est<br />
rapidement revenu au <strong>Cambodge</strong> et a commenté son retour dans le secteur en 1998/99 en<br />
affirmant qu’il était désormais « assuré du progrès dans le secteur forestier et d’autres<br />
réformes économiques 84 ». Le cas de la Banque mondiale, chef de file institutionnel de la lutte<br />
contre la déforestation et la mauvaise gouvernance, est plus révélateur encore. Elle n’a cessé<br />
d’alterner satisfecit implicites (par décaissements) et critiques les plus virulentes, d’approuver<br />
79<br />
Sur le processus de concentration du pouvoir par Hun Sen à travers les réseaux PPC, entretiens avec S.Heder,<br />
Phnom Penh, octobre 2004 ainsi que son chapitre « Political theatre in Cambodia : state, democracy,<br />
conciliation », version révisée d’une contribution à la conférence « Theatre Politics in Asia and Africa II :<br />
Contestation, Collusion and Control », Londres, SOAS, mai 2004 (à paraître en 2005), p. 25 ; sur la coercition et<br />
la violence, voir R.Bertrand, « Le carnaval démocratique » et R.Marchal, « D’un pouvoir militaire à un pouvoir<br />
policier », supra.<br />
80<br />
B.Hibou, « Economie politique de la Banque mondiale en Afrique : du catéchisme au fait (et méfait)<br />
missionnaire », Les Etudes du CERI, n°39, mars 1998<br />
81<br />
Bruce McKenney and Prom Tola, Natural Resources and Rural Livelihoods in Cambodia…op.cit., pp.92 et<br />
suiv.<br />
82<br />
The Forest Sector in Cambodia...op.cit.<br />
83<br />
Le <strong>Cambodge</strong> est en effet le sixième pays le plus aidé au monde en termes de pourcentage des revenus<br />
budgétaires. Pour ces chiffres et ces données comparatives, voir Leila Webster and Don Boring, The Private<br />
Manufacturing Sector in Cambodia…op.cit.<br />
84<br />
Cité par l’agence Reuters, Dépêche du 14 janvier 2000