Cambodge : quel modèle concessionnaire ? - fasopo
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Cette présence massive et diffuse d’hommes armés n’est pas sans conséquence sur le niveau<br />
de violence, le plus souvent latente, parfois explicite. Dans les zones militaires notamment, les<br />
paysans délocalisés durant la période de l’état d’urgence n’ont parfois jamais récupéré leurs<br />
terres et se trouvent confrontés à des soldats démobilisés désormais bien intégrés dans la<br />
région 158 . Mais cette violence est aussi alimentée par le <strong>modèle</strong> <strong>concessionnaire</strong> lui-même,<br />
avec ses propres normes, acteurs, modalités de contrôle et de fonctionnement. Il n’existe pas<br />
de statistiques, mais tous les rapports provinciaux, les documents de commissions, les procès-<br />
verbaux du système judiciaire, les doléances d’agriculteurs et producteurs à l’Assemblée<br />
nationale confirment la hausse incontestable des conflits depuis le début des années 1990 159 .<br />
Selon les organisations des droits de l’Homme gouvernementales ou non gouvernementales,<br />
la très grande majorité des plaintes reçues font désormais référence à des abus motivés par des<br />
raisons économiques et non par la répression politique. Les droits fonciers fournissent la<br />
principale source de conflit. Les plaintes sont nombreuses et diverses 160 : non-consultation des<br />
villageois, des assemblées ou communautés représentatives et imposition des décisions des<br />
<strong>concessionnaire</strong>s ; usage de milices, de gardes armés ou de protection militaire interdisant<br />
l’accès aux terres et aux industries sur la concession ; présentation pour signature de contrats<br />
non expliqués et imposés ; perte de terres communales et donc de ressources pour les<br />
habitants ; tensions avec les autorités locales qui peuvent aller jusqu’à des conflits<br />
extrêmement intenses et des morts (notamment dans les régions Khmers Rouges mais pas<br />
seulement) ; abattage de bêtes qui s’égarent ou transitent par la concession ; impossibilité<br />
pour les populations locales d’utiliser leur espace traditionnel de culture ou d’exploitation<br />
forestière, d’aller se recueillir sur les tombes de leurs ancêtres, de bénéficier des terres de<br />
pâture, voire de certaines terres agricoles enclavées dans les concessions ; détérioration de<br />
terrains par bulldozer sur des terres familiales ; récurrence des menaces de la part des gardiens<br />
de concessions ; appropriation illégale des terres par les tenants du pouvoir, hauts<br />
fonctionnaires, hommes politiques, militaires, policiers, hommes d’affaires importants ; déni<br />
des problèmes et tendance des <strong>concessionnaire</strong>s à n’expliquer les conflits qu’en termes de<br />
« manipulation d’un parti politique » (entendre le Parti Sam Rainsy)… A travers le <strong>modèle</strong><br />
<strong>concessionnaire</strong>, plusieurs processus convergents opèrent donc à une diffusion généralisée de<br />
158<br />
So Sovannarith, Real Sopheap, Uch Utey, Sy Rathmony, Brett Ballard & Sarthi Acharya, Social Assessment<br />
of Land in Cambodia…, op.cit.<br />
159<br />
Ibidem et entretiens, Phnom Penh, octobre 2004<br />
160<br />
Entretiens, Phnom Penh, octobre 2004. Voir aussi United Nations, Land Concessions for Economic Purposes<br />
in Cambodia, op.cit; Fabienne Luco, Between a Tiger and a Crocodile : Management of Local Conflicts in<br />
Cambodia. An Anthropological Approach to Traditional and New Practices, Phnom Penh, UNESCO, 2002 ;<br />
ainsi que la lecture synthétique de lettres de doléances.