Enquete_canonisation AVEC ILLUST - Fonds St-Yves

Ker Martin un hiver aux environs de la mort de dom Yves, en période de grand froid. Pour ce qui est du pauvre, je ne
connais ni son nom ni sa personne.
J'ai vu dom Yves une fois se tenir enfermé sept jours et cinq jours encore dans sa chambre et y rester sans pain ni
eau ni autre nourriture naturelle. Au bout de sept jours de cette réclusion, ma mère et moi nous le crûmes mort, mais
n'ayant pas qualité pour entrer près de lui nous nous rendîmes près du seigneur évêque de ce temps-là. A cette
nouvelle, il vint à Ker Martin avec certains chanoines. Il ne put entrer dans la chambre où se trouvait dom Yves. C'est
alors que le beau-frère d'Yves parvint à la chambre et en brisa la fenêtre pour voir ce qu'il en était. Et, comme il nous
le raconta par la suite, il vit dom Yves occupé à prier. «Je voudrais que tu sois malades en ce moment, lui dit-il». Et j'ai
la ferme conviction que pendant douze jours il fut soutenu par une nourriture céleste et angélique. La preuve qu'il ne
prit ni pain ni boisson ni autre nourriture matérielle, c'est que peu avant qu'il n'entrât dans la chambre en question, j'y
fus moi-même, et il n'y avait là ni pain ni eau ni quelque autre nourriture matérielle. Je l'y ai vu entrer : il ne portait
rien avec lui et je n'ai vu personne lui servir quoi que ce fût pendant ce laps de temps, ni avoir entrée ou accès près de
lui, ni lui-même quitter sa chambre. Et son visage, quand il en sortit, ne montrait aucune altération.
La semaine de sa mort, un jour, je ne sais plus lequel, dom Yves célébra la messe dans sa chapelle de Ker Martin,
bien qu'il fût malade et faible, au point que des assistants durent à plusieurs reprises le soutenir. J'étais là, et ma mère
aussi, et beaucoup d'autres dont je ne me rappelle plus les noms. Le samedi de cette semaine-là, bien tard dans la
soirée, un prêtre, dom Hamon Gorec, lui administra le sacrement d'Extrême-Onction et l'oignit. Dom Yves répondait
aux prières qu'on disait au cours de cette liturgie, à laquelle assistaient maître Yves Le Cognac, alors official de
Tréguier, Geoffroy de l'Abbaye, le prêtre Alain Salomon, Gruer Conan et Yves son fils, alors vivants, maintenant
défunts, et ma mère, et plusieurs autres dont j'ai oublié les noms. La cérémonie achevée, dom Yves perdit l'usage de la
parole et fixa ses regards sur une croix placée devant lui. Joignant les mains et de temps en temps se signant du signe
de la croix, il laissa échapper un souffle comme pour s'endormir. L'aube du jour suivant, qui était un dimanche, allait
poindre. Aux environs de la Pentecôte toute proche il y a eu de cela 27 ans.
Ces choses-là sont et ont été de notoriété publique dans le diocèse et la ville de Tréguier. Notre-Seigneur-Jésus-
Christ a opéré et opère chaque jour beaucoup de miracles par dom Yves...»
TEMOIN 42
Hamon de Ker Goussi, de la paroisse de Plouguiel, diocèse de Tréguier, âgé de 55 ans...
« J'ai vu et connu personnellement dom Yves dans la ville de Tréguier et dans beaucoup d'autres localités pendant
vingt années et plus avant sa mort. Dimanche dernier qui était le dimanche après l'Ascension du Seigneur, il y a eu 27
ans qu'il est décédé. Telle est, à mon avis, la date de sa mort.
Dom Yves était un homme de vie bonne et sainte et de mœurs honnêtes, car il était d'une grande chasteté et d'une
grande fidélité à ses devoirs. Je l'ai vu agir en tout selon le bien. Il aimait ceux qu'il savait vivre dans la chasteté et
dans la droiture, et jamais je n'ai constaté en lui un indice qui pût me faire soupçonner quoi que ce fût de déshonnête,
très particulièrement de contraire à la chasteté. J'ai vu plusieurs personnes réputées chastes et fidèles à leurs
obligations que dom Yves aimait beaucoup et avec qui je vivais habituellement, et en particulier Hamon Toulefflam, et
Yves Ermeus à cette époque de la paroisse de Louannec, et plusieurs autres dont à présent je ne me rappelle plus du
tout les noms. Une autre preuve que dom Yves était tel que je l'ai résenté c'est qu'il menait une vie très austère, ne
mangeant que du pain grossier et du potage de plantes potagères, de pois ou de fèves, tantôt salés tantôt sans sel, sans
autre condiment. Je l'ai vu bien des fois manger et particulièrement dans la maison de Geoffroy de Ker River,
damoiseau, et d'Adévisia Nux, damoiselle du diocèse de Tréguier, et dans beaucoup d'autres endroits. J'ai vu les autres
manger là de bons plats et du beurre, mais lui, on avait beau lui en présenter, il refusait d'en prendre, et se contentait
d'eau comme boisson. Il ne mangeait qu'une seule fois par jour. C'est ce que j'ai vu bien des fois dans les lieux que j'ai
dits. Parfois il ne mangeait pas de toute la journée, quand il rentrait de ses prédications, comme je l'ai entendu dire à
plusieurs personnes qui le fréquentaient. Les personnes qui m'ont renseignée là-dessus sont Adelicia, fille défunte
d'Amon Derte et feue Rudeleine de la paroisse et de la ville de Tréguier. On les appelait les sœurs de dom Yves, parce
qu'il les avait converties à une vie sainte et vertueuse.
Dom Yves portait un surcot, une cotte et un chaperon de grossier burell blanc, et chaussait des souliers hauts à
courroies comme les Cisterciens. Je l'ai vu très fréquemment dans cet habit. Je lui ai fait visite dans sa maison de Ker
Martin alors que la maladie dont il mourut le tenait couché, et j'ai donc vu le lit sur lequel il était étendu : il consistait
en un peu de paille ; là-dessus il se tenait couché recouvert d'une pauvre courte-pointe.
Dom Yves était un homme d'une grande bonté. Il visitait en effet les malades, les pauvres, et il distribuait tout ce
qu'il pouvait avoir. Je l'ai vu fréquemment visiter les malades, en particulier mon défunt frère, Alain de Ker Goussi,
feue Constance de Ker Tanve, Adevisia Nuz, dont j'ai déjà parlé. Il a visité ces deux dernières plusieurs fois en ma
présence quand elles étaient malades, ainsi que plusieurs autres dont j'ai oublié les noms. J'ai vu très souvent des
pauvres le suivre et accourir vers lui, et il leur faisait des aumônes, j'en étais témoin. Cela se passait à Ker Martin. Et
d'ailleurs tout le monde en parlait publiquement.
C'était un homme d'une grande humilité. Il s'avançait toujours avec humilité et bienveillance, et parlait à tous avec
un visage humble et joyeux.
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