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Enquete_canonisation AVEC ILLUST - Fonds St-Yves

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TEMOIN 47<br />

Darien de Trégroin, recteur du diocèse de Tréguier, âgé de 50 ans et plus...<br />

« J'ai connu et vu dom <strong>Yves</strong> dès le début de l'époque où il était l'official de l'évêque de Tréguier. C'était un homme<br />

de vie sainte et honnête, dépassant en cela tous les hommes que j'ai jamais vus. J'avais avec lui de fréquentes relations<br />

dans la maison où il demeurait à Tréguier, grâce à un oncle maternel qui s'appelait <strong>Yves</strong> de Forn et qui était alors<br />

chancelier de la cour de Tréguier. Je voyais alors dom <strong>Yves</strong> se comporter en paroles et en actes d'une manière chaste et<br />

honnête. Jamais je n'ai entendu de lui une parole ou su qu'il avait accompli un acte qui fussent en quoi que ce soit<br />

contraires au bien. Plus encore, il n'usait de la parole que pour parler de Dieu et pour former aux bonnes mœurs.<br />

Dom <strong>Yves</strong> portait les habits qui lui venaient du seigneur évêque de Tréguier, avant de revêtir sa robe de burell. A<br />

dater de là il ne mangea plus que du pain grossier et du potage et ne but que de l'eau, bien qu'on lui servît du vin et<br />

d'autres bons plats. Je me tenais très fréquemment debout devant lui dans la maison que j'ai dite, pendant le repas, et je<br />

voyais tout. Je ne l'ai jamais vu manger plus d'une fois par jour et je n'ai jamais su qu'il l'eût fait. Par la suite il donna<br />

aux pauvres l'habit qu'il tenait de l'évêque de Tréguier, comme on me l'a dit, et il prit une cotte et un surcot et un<br />

chaperon de gros burell blanc, de grands souliers à courroies, et une chemise de filasse de chanvre grossière et<br />

rugueuse, et il porta cet habit jusqu'aux moments de sa mort. C'est dans cet habit que je l'ai vu, et vivant et mort, tant<br />

de fois que je ne saurais m'en rappeler le nombre. J'ai entendu dire qu'il portait toute sa vie un cilice, mais je ne sais<br />

pas qui m'a dit cela. Dom <strong>Yves</strong> adopta l'habit que j'ai dit pendant les quinze années ou environ qui précédèrent sa mort,<br />

à ce qu'il me semble. J'ai vu le lit où il couchait au manoir de Ker Martin : il n'y avait là qu'un peu de paille par terre, et<br />

une pierre en guise d'oreiller, et sur la paille une piètre courte-pointe presque toute brune de terre et de poussière.<br />

Je fus de ceux qui à sa mort portèrent le corps de dom <strong>Yves</strong> dans l'église de Tréguier. Cependant je n'ai pas assisté<br />

à sa mort. Lorsqu'on l'eut porté dans cette église, je le vis dépouiller des habits dont il était revêtu, c'est-à-dire de la<br />

cotte, de la housse et de la chemise. Et la chemise fut placée, d'après ce que j'ai entendu dire, parmi les reliques de<br />

l'église de Tréguier. Par la suite, je l'ai vue parmi ces reliques-là.<br />

Il fut un homme d'une grande bonté. Il visitait en effet les malades de l'Hôtel-Dieu de la ville de Tréguier, et<br />

beaucoup d'autres malades de la ville, mais présentement je ne me rappelle plus qui. De ses biens il distribuait aux<br />

pauvres tout ce qu'il pouvait avoir, comme je l'ai constaté fréquemment. Une foule de pauvres l'accompagnaient<br />

auxquels il donnait, en ma présence, l'argent qu'il avait. J'ai entendu dire qu'il achetait du tissu dont il habillait<br />

beaucoup de pauvres. J'ai entendu dire aussi qu'il lui est arrivé parfois de leur donner les vêtements qu'il portait sur lui.<br />

Une fois, à ce qu'on m'a dit, alors qu'il était envahi de pauvres dans sa maison et qu'il n'avait à leur donner que les<br />

vêtements qu'il avait sur lui, il les leur donna tous et resta sans rien. Il s'enveloppa pourtant de la courte-pointe dont j'ai<br />

parlé jusqu'à ce qu'il eût pu se procurer d'autres habits. Toutes ces choses-là sont connues et célèbres tant auprès des<br />

petites gens que des Grands de mon pays, et, à mon avis, peu les ignorent.<br />

Dom <strong>Yves</strong> fut un homme très humble et très bienveillant. Il entrait en effet en relations avec tous indistinctement,<br />

avec les pauvres comme avec les riches, et il le faisait avec humilité, et c'est avec douceur qu'il parlait à tout le monde.<br />

Je le voyais très fréquemment parler de cette manière-là. Et quand il allait par les grandes routes, il marchait très<br />

humblement, la tête inclinée, les yeux baissés, le capuchon rabattu.<br />

Dom <strong>Yves</strong> était un homme animé d'un grand esprit de justice. A l'époque en effet où il occupait la charge d'officiai<br />

il encourageait tous ses collaborateurs à être justes comme on le disait publiquement, et, quand il le pouvait il faisait<br />

tous ses efforts pour ramener la paix chez les parties adverses. J'ai vu bien des fois dom <strong>Yves</strong> en personne établir la<br />

paix entre beaucoup de gens en désaccord et en procès ; mais comme je ne m'intéressais pas beaucoup à ces choses-là,<br />

je ne me rappelle pas de qui il s'agissait. Sur ce sujet il avait une telle renommée dans son pays que tous le louaient<br />

aussi pour la paix qu'il établissait entre les gens en désaccord que pour la justice dont il faisait preuve à l'égard des<br />

requérants.<br />

C'était un homme très patient. J'ai vu fréquemment beaucoup de gens le chercher. Lui, ni cela ni d'autres motifs ne<br />

le troublaient ni ne l'offensaient. Au contraire il riait alors davantage et se réjouissait. C'est ce que j'ai vu et entendu<br />

moi-même. Une fois, en ma présence, des gens du roi de France voulaient s'emparer de force d'un cheval de l'évêque<br />

de Tréguier. Dom <strong>Yves</strong> accourut et le leur arracha. «Vous ne pouvez, leur dit-il, rien revendiquer sur le territoire libre<br />

du bienheureux Tudual». Sur les entrefaites, celui qui était trésorier de Tréguier se moqua de lui et l'injuria : «Coquin,<br />

coquin, lui dit-il, vous nous avez mis en péril de perdre tout ce que nous avons, et vous agissez ainsi parce que vous<br />

n'avez rien à perdre». A quoi <strong>Yves</strong> répondit avec bienveillance et bonne humeur : «Vous direz ce qui vous plaira,<br />

mais, moi, pour autant que je le pourrai, je me battrai toute ma vie pour la liberté de l'Eglise». Tous se demandaient<br />

avec beaucoup d'appréhension quel malheur s'ensuivrait. Cependant pour le lendemain tout était apaisé ; et les<br />

émissaires royaux n'emportèrent rien. Le fait fut jugé comme un très grand miracle et complètement imputé à la bonté<br />

et aux mérites de dom <strong>Yves</strong>.<br />

Dom <strong>Yves</strong> s'adonnait très fréquemment à l'exercice de la prédication. Il allait d'une église à l'autre, prêchant au<br />

clergé et au peuple la parole de Dieu. Je l'ai vu et entendu très souvent prêcher dans la ville de Tréguier et ailleurs. Et<br />

parfois, comme je l'ai entendu dire, il lui arrivait de prêcher le même jour trois ou quatre fois dans des localités<br />

différentes. Les gens trouvaient ses sermons si pleins de charme que le peuple (j'y étais et je l'ai vu) le suivait d'une<br />

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