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Le licenciement des salariés protégés (DE février 2006) (pdf - 1.1 Mo)

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même logique que le Conseil d’Etat s’appuie pour annuler la décision d’un inspecteur du travail autorisant le<br />

<strong>licenciement</strong> d’un salarié protégé motivée par l’accord donné par le salarié, s’appuyant sur « les exigences propres à<br />

l’exécution normale de son mandat » 1 .<br />

C’est donc le mandat et, au travers du mandat, l’instance représentative du personnel en tant que lieu d’expression<br />

collective <strong>des</strong> <strong>salariés</strong> qui est l’objet de la protection, et non la personne qui l’occupe. C’est pourquoi le salarié protégé<br />

licencié sans autorisation préalable de l’inspecteur du travail ou en dépit du refus de ce dernier a droit à une<br />

indemnisation spécifique forfaitaire 2 due au titre de la méconnaissance du statut protecteur mais également aux<br />

indemnités de droit commun versées à tout salarié en cas de <strong>licenciement</strong> prononcé sans cause réelle et sérieuse 3 . Ainsi<br />

que le remarque très justement J.-Y Frouin 4 , "en d’autres termes, il y a autonomie du statut protecteur et du contrat de<br />

travail : la violation du statut est sanctionnée par l’obligation faite à l’employeur de payer la rémunération jusqu’à la fin<br />

de la période de protection [aujourd’hui plafonnée] puisque le <strong>licenciement</strong> intervenu n’a pu produire aucun effet ; mais<br />

le contrat de travail étant malgré tout rompu, faute de réintégration, cette rupture est appréciée conformément au droit<br />

commun du <strong>licenciement</strong>".<br />

On peut cependant s’interroger sur les effets juridiques produits par ce statut qui peut parfois conduire, pour une même<br />

situation, à une différence de traitement entre <strong>salariés</strong> <strong>protégés</strong> et non <strong>protégés</strong>. Comment s’opère le contrôle<br />

juridictionnel ? L’appréciation donnée par les juges est-elle la même ou bien existe-t-il une différence de traitement<br />

légitimée par le statut juridique dérogatoire ?<br />

Suivant un arrêt de principe du Conseil d’Etat daté du 29 décembre 2000, le salarié protégé ne bénéficie pas d’une<br />

priorité de reclassement sur les autres <strong>salariés</strong> : "il n’y a pas lieu de rechercher la possibilité du reclassement du salarié<br />

protégé sur un poste dont la libération n'implique pas l'éviction d'un autre salarié de l'entreprise 5 . <strong>Le</strong> salarié protégé ne<br />

bénéficie donc pas, au plan de l’analyse juridique, d’une garantie d’emploi. On note cependant que la mise en<br />

application <strong>des</strong> textes par la jurisprudence conduit, s'agissant de la modification apportée par l’employeur aux<br />

conditions de travail du salarié protégé, à une différence de traitement. Depuis un arrêt de principe de 1996 6 , la Cour de<br />

cassation a introduit, dans sa jurisprudence, une distinction entre modification du contrat de travail et modification <strong>des</strong><br />

conditions de travail, distinction 7 qui a pour effet de régir la situation juridique <strong>des</strong> <strong>salariés</strong> dans l’entreprise : s’ils ne<br />

peuvent, conformément à cette jurisprudence, se voir imposer une modification de leur contrat sans leur accord<br />

(l’employeur qui persiste devant alors avoir l’initiative du <strong>licenciement</strong>), ils ne peuvent, sous peine de commettre une<br />

faute grave, refuser une modification de leurs conditions de travail. Or, les <strong>salariés</strong> <strong>protégés</strong> sont juridiquement fondés à<br />

refuser toute modification, quelle que soit sa nature. Il en résulte <strong>des</strong> différences de traitement en <strong>des</strong> circonstances<br />

identiques. C’est ainsi que la mise en chômage partiel, qui, selon la Cour de cassation, "doit s’analyser en une simple<br />

modification <strong>des</strong> conditions de travail et non du contrat" conduit à ce que le refus <strong>des</strong> <strong>salariés</strong> non <strong>protégés</strong> ne peut<br />

s’analyser en une rupture de leur contrat (ils ne peuvent prétendre être indemnisés <strong>des</strong> pertes de salaires subies du fait<br />

du chômage partiel) tandis que le représentant du personnel doit se voir verser par l’employeur la partie du salaire<br />

perdue dès lors qu’aucun changement de ses conditions de travail ne peut intervenir sans son accord 8 .<br />

De la même manière, la qualification juridique donnée par le Ministre du travail, sur recours hiérarchique contre la<br />

décision de l’inspecteur du travail, à une faute commise au cours d’une grève (la séquestration d’un directeur<br />

commercial par <strong>des</strong> <strong>salariés</strong>, dont certains étaient <strong>protégés</strong>, constitue-elle une faute lourde autorisant le <strong>licenciement</strong><br />

sans versement d’aucune indemnité ?) ne lie pas le juge judiciaire. La décision du Ministre de refuser le <strong>licenciement</strong> de<br />

quatre <strong>salariés</strong> <strong>protégés</strong> ne peut ainsi valablement intervenir à l’appui de la demande de <strong>salariés</strong> non <strong>protégés</strong> contre<br />

lesquels la Cour de cassation retient, pour sa part, l’existence d’une faute grave 9 .<br />

1 CE 1 er fév. 1995, SA Midica.<br />

2 <strong>Le</strong> salarié protégé a droit, "au titre de la méconnaissance du statut protecteur", au montant de la rémunération qu’il aurait dû<br />

percevoir entre son éviction et l’expiration de la période de protection, dans la limite de la durée de la protection accordée aux<br />

représentants du personnel (Cass. Soc. 27 mai 1970, Abisse, Dr. Soc. 1971, p. 130, Dalloz 1970, P. 442 Chron. Dupeyroux ; Cass.<br />

Soc. 28 mars 2000, n° 97-44.373, Semaine soc. Lamy, 31 juillet 2000, n° 992, p. 61 à 62).<br />

3 Art. L. 122-14-4 (au moins 6 mois de salaire).<br />

4 Frouin (J.-Y), "L’indemnisation <strong>des</strong> <strong>salariés</strong> <strong>protégés</strong> licenciés sans autorisation", RJS 11/01, p. 842 à 848, p. 844.<br />

5 Conseil d' Etat N° 206918 et n° 206919, 29 décembre 2000, société Suturex: "il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant,<br />

au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le <strong>licenciement</strong> du<br />

salarié, en tenant compte, notamment, de la nécessité <strong>des</strong> réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le<br />

reclassement du salarié dans l'entreprise ; qu'il y a lieu, à cet égard, de rechercher la possibilité du reclassement du salarié protégé sur<br />

un poste dont la libération n'implique pas l'éviction d'un autre salarié de l'entreprise".<br />

Conseil d'Etat 8 octobre 1990, M. <strong>DE</strong>IAS : "les dispositions de l'article L. 241-10-1 du code du travail n'obligeaient pas la société<br />

Bennes Marrel à libérer un de ces emplois au profit de M. <strong>DE</strong>IAS ou à créer un nouvel emploi qui aurait pu convenir aux aptitu<strong>des</strong><br />

physiques de l'intéressé".<br />

6 Cass. Soc. 10 juillet 1996, <strong>Le</strong> Berre C / SA Socorem.<br />

7 Distinction qui s’est substituée à l’ancienne distinction qui existait entre modification substantielle / non substantielle.<br />

8 Cass. Soc. 18 juin 1996, deux arrêts, CSB 1996, n° 84, A. 54, note.<br />

9 Cour de Cassation, soc., 1 avril 1997, N° de pourvoi : 95-42246 N° de pourvoi : 95-42264, Publié au bulletin<br />

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