Le licenciement des salariés protégés (DE février 2006) (pdf - 1.1 Mo)
Le licenciement des salariés protégés (DE février 2006) (pdf - 1.1 Mo)
Le licenciement des salariés protégés (DE février 2006) (pdf - 1.1 Mo)
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
L'importation du monde domestique dans la sphère du travail<br />
Par l'effet de la personnalisation du mandat mais aussi par le fait de considérer l'entreprise comme une référence<br />
identitaire, les relations interindividuelles ne se cantonnent pas à l'échange salarial.<br />
C'est en effet le monde domestique décrit par Boltanski et Thévenot , où les êtres sont qualifiés par la relation qu'ils<br />
entretiennent avec leurs semblables et où les relations sont "désintéressées", qui se révèle ici.<br />
"Il était assez proche du président (et son) père […] est un ami de notre président." (Directeur<br />
d'établissement, PME)<br />
Cette forme domestique est mise en œuvre "dans un mode de gestion du personnel qui valorise l'expérience spécifique<br />
acquise par l'ancienneté dans la maison". <strong>Le</strong>s relations dans l'entreprise rassemblent alors, par bien <strong>des</strong> côtés, à celles<br />
que l'on peut avoir dans une famille.<br />
"Puis j’aimais bien à la base le fait que c’était familial, parce que comme j’étais indépendant, j’avais un<br />
contact direct avec le PDG, donc ça, ça me plaisait bien, j’avais de très bons rapports d’ailleurs avec [le<br />
Dg]." (Salarié protégé, délégué syndical, cadre, 42 ans, Bac, PME, demande de <strong>licenciement</strong> pour faute)<br />
Dans ce mode de relation à l'entreprise, c'est exclusivement le jugement d'un chef qui fait sortir les <strong>salariés</strong> du rang. <strong>Le</strong>s<br />
relations se vivent alors sur le versant du charisme.<br />
"<strong>Mo</strong>i quand je l’ai rencontré la 1 ère fois, j’ai été sous le charme, mais c’est un sacré monsieur dans les<br />
affaires".» (Salarié protégé, délégué syndical, cadre, 42 ans, Bac, PME, demande de <strong>licenciement</strong> pour<br />
faute)<br />
De ce fait, l'investissement dans le travail dépasse les obligations contractuelles, comme dans le cas de ce salarié qui<br />
rappelle tout au long de l'entretien à quel point il a pu se dévouer pour l'entreprise.<br />
"J'ai beaucoup travaillé, j'attaquais début décembre jusqu'à fin avril, c'était tous les jours. Je n'avais pas de<br />
congés, j'ai quand même beaucoup donné. […] C'est simple, pour les vacances de Noël, je commençais à<br />
travailler à 8 heures du matin, je finissais à 10 heures du soir, il y a même certaines fois où je terminais à<br />
4 heures du matin pour faire les payes. […] <strong>Mo</strong>n boulot, c'était tout le temps, parfois je me réveillais la<br />
nuit en me disant : tiens, il faut que je fasse ça. C'était quand même une implication assez forte." (Salarié<br />
protégé, membre comité d’entreprise, délégué du personnel, non-syndiqué, 29 ans, cadre, Bac+2, PME,<br />
demande de <strong>licenciement</strong> économique)<br />
Cet investissement est souvent partagé par la cellule familiale. <strong>Le</strong> travail envahit alors tout l'espace du salarié. La<br />
meilleure illustration en est donnée par le salarié qui s'est présenté à l'entretien avec sa femme qui est intervenue assez<br />
fréquemment pour rappeler à quel point l'investissement pour le travail a pu être envahissant.<br />
". s'investit énormément dans son travail, il travaillait tout le temps. Quand il dit que l'été, ça a été plus<br />
calme, en fait, ça a été vrai les 2 premières années, il a eu <strong>des</strong> week-ends en plus sinon il travaillait tout le<br />
temps […] Ça a été un problème entre nous […] Parce qu'on ne se voyait jamais. […] Ça me pesait, au<br />
départ on est de L., moi j'ai tout laissé, mes étu<strong>des</strong> et tout pour qu'on soit relativement proche, et en fait, il<br />
travaillait tellement tout le temps qu'en fait il n'était pas plus proche que quand j'étais à L. […] J'aurais<br />
aimé que de temps en temps, il pense à rentrer à 7 heures le soir, ou qu'il pense à dire "je rentre à midi".<br />
[…] On l'a vécu à 2, le travail de J. prenait tellement de place dans notre vie que forcément, son<br />
<strong>licenciement</strong>, on l'a vécu aussi." (Salarié protégé, membre comité d’entreprise, délégué du personnel, nonsyndiqué,<br />
29 ans, cadre, Bac+2, PME, demande de <strong>licenciement</strong> économique)<br />
"Pendant 1 an et demi, ça a été beaucoup d’investissements […] J’ai beaucoup travaillé pour trouver une<br />
meilleure implantation pour le produit. Je me suis investi comme un malade pendant 1 an et demi.»<br />
(Salarié protégé, membre du comité d’entreprise, délégué du personnel, syndiqué, 37 ans, cadre, Bac+2,<br />
PME, demande de <strong>licenciement</strong> pour faute)<br />
5) La figure intermédiaire : le passeur à mi-chemin de l'opposition et de l'adhésion<br />
Il apparaît important de rappeler que nous décrivons <strong>des</strong> idéaux types ; les comportements <strong>des</strong> <strong>salariés</strong> sont plus souvent<br />
<strong>des</strong> mixtes. Il est même possible de repérer quelques <strong>salariés</strong> dont les comportements relèvent à la fois de l’opposition<br />
43