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Le licenciement des salariés protégés (DE février 2006) (pdf - 1.1 Mo)

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De ce fait, le conflit dépasse largement le cadre du travail et envahit parfois la vie familiale dans son ensemble. <strong>Le</strong><br />

mandat cristallise alors ce «désamour» né entre l’entreprise et le salarié qui peut évoluer en conflit interpersonnel<br />

débouchant sur <strong>des</strong> pratiques que l’on peut juridiquement qualifier de harcèlement professionnel. Cela se vérifie tout<br />

particulièrement en période de restructurations où les <strong>salariés</strong> <strong>protégés</strong> sont plus "exposés" (il est intéressant de noter<br />

que, selon la jurisprudence, la perte de confiance de l’employeur envers le salarié ne peut jamais constituer, par ellemême,<br />

un motif pouvant servir de base à une autorisation de <strong>licenciement</strong> 1 ).<br />

C'est cette connotation passionnelle qui explique la virulence <strong>des</strong> réactions à l'encontre <strong>des</strong> représentants du personnel<br />

qui ne se soumettent pas.<br />

"(Un ancien cadre de l'entreprise) nous a expliqué un truc, il nous a dit : la société veut tellement votre<br />

peau qu’elle est prête à utiliser ses relations pour vous proposer du boulot ailleurs, pour vous virer quoi.<br />

Et puis après, une fois la période d’essai terminée : dehors. On est face à <strong>des</strong> patrons qui, pour moi, font<br />

partie <strong>des</strong> patrons voyous, qui sont prêts à utiliser les moyens qui ne sont pas légaux pour se débarrasser<br />

<strong>des</strong> gens.» (Salarié protégé, membre du comité d’entreprise, délégué du personnel, syndiqué, 37 ans,<br />

cadre, Bac+2, PME, demande de <strong>licenciement</strong> pour faute)<br />

En effet, même si les dirigeants le disent rarement formellement, toute critique sur la structuration de l'entreprise, sur sa<br />

stratégie… apparaît vite comme une remise en cause personnelle du dirigeant. En outre, la place qu'occupe la<br />

composante identitaire du conflit chez certains <strong>salariés</strong> <strong>protégés</strong> implique la recherche d'une reconstruction de son<br />

image sociale et d'une restitution de sa valeur sociale qui deviennent, dès lors, <strong>des</strong> impératifs : il faut qu'ils puissent<br />

prouver qu'ils disposent bien de compétences élevées et donc d'une valeur sociale. D'où l'insistance sur le fait qu'ils ont<br />

raison et leurs supérieurs ont tort. Or se positionner sur ce terrain, c'est affirmer que les dirigeants sont incompétents, ce<br />

que, bien sûr, ces derniers ne peuvent entendre.<br />

"Donc <strong>des</strong> gens qui n’ont pas l’habitude de gérer <strong>des</strong> grosses sociétés, comme c’est anonyme, je peux le<br />

dire, à mon sens n’avaient pas vraiment les compétences. […] Il est arrivé à un certain niveau<br />

d’incompétences, comme ça nous arriverait à tous, et il n’a pas su se remettre en cause pour développer sa<br />

société.[…] À mon sens, ils n’avaient pas vraiment les compétences.» (Salarié protégé, membre du<br />

comité d’entreprise, délégué du personnel, syndiqué, 37 ans, cadre, Bac+2, PME, demande de<br />

<strong>licenciement</strong> pour faute)<br />

Dans ce type d'affrontements, où les positions statutaires <strong>des</strong> uns et <strong>des</strong> autres jouent peu car supplantées par <strong>des</strong><br />

conflits "d'homme à homme" 2 , les positions <strong>des</strong> <strong>salariés</strong> <strong>protégés</strong> apparaissent très fragiles. <strong>Le</strong> nombre d’autorisations<br />

de <strong>licenciement</strong> qui s’adressent à <strong>des</strong> <strong>salariés</strong> <strong>protégés</strong> non-syndiqués (59% en 2000) et surtout le pourcentage<br />

d’acceptations de ces <strong>licenciement</strong>s (91% en 2000 comme en 1999) 3 constituent un indice de cette fragilité.<br />

Une première explication de cette fragilité tient à l'orientation interpersonnelle du conflit. <strong>Le</strong>s autres <strong>salariés</strong> peuvent<br />

avoir l'impression, parfois largement justifiée, que les <strong>salariés</strong> <strong>protégés</strong> vivent une histoire personnelle, sur laquelle le<br />

collectif n'a que peu de prise. <strong>Le</strong>s jugements portés par les différents acteurs se révèlent particulièrement convergents<br />

sur ce point.<br />

"<strong>Le</strong>s autres <strong>salariés</strong>, il n’y a pas eu de réaction du tout, ils ont tous dit c’est son affaire, il fait sa vie. Je ne<br />

pense pas qu’il y ait eu de réactions." (Directeur établissement, PME)<br />

"Lui ne nous donnait pas toutes les informations et nous non plus. […] Il a négocié son départ<br />

directement avec l’employeur, sans me solliciter, en tant que membre du CE ainsi que mes collègues<br />

(Secrétaire comité d’entreprise, syndiqué, PME)<br />

Une deuxième explication trouve sa source dans la position de force <strong>des</strong> représentants de l'employeur du fait du lien de<br />

subordination <strong>des</strong> <strong>salariés</strong> mais aussi du plus grand prestige social dont ils peuvent faire preuve.<br />

"C'était manifestement un peu la chasse aux sorcières. […] <strong>Le</strong>s <strong>salariés</strong> se plaignent à longueur d'année.<br />

[…] C'est conflictuel en permanence et très violent. […] Elle vous écrase si vous avez un doute sur vos<br />

droits, sur vos pouvoirs, sur vos moyens, elle va en profiter, elle va vous écraser, et donc c'est un peu ce<br />

qui se passe au niveau <strong>des</strong> élus." (Inspecteur du travail)<br />

1 CE 21 décembre 2001, alors, RJS 3/02, n° 304<br />

2 Est ce un hasard, si dans les cas rencontrés, les femmes adoptent, plus que les hommes <strong>des</strong> positions de compromis ? Il faudrait<br />

pouvoir valider cette hypothèse au niveau statistique, mais il semble bien (ou il semblait bien jusqu'à une période récente) que les<br />

femmes ne développaient tout à fait les mêmes enjeux sociaux, (Enriquez, 1983 et 1991) ce qui leur permettait de ne pas se retrouver<br />

engluées dans un conflit où ce qui est recherché est la défaite totale de l'adversaire.<br />

3 Merlier R., "<strong>Le</strong>s <strong>licenciement</strong>s de représentants du personnel en 2000", Premières informations, novembre 2002, n°48.2<br />

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