26.06.2013 Views

Le licenciement des salariés protégés (DE février 2006) (pdf - 1.1 Mo)

Le licenciement des salariés protégés (DE février 2006) (pdf - 1.1 Mo)

Le licenciement des salariés protégés (DE février 2006) (pdf - 1.1 Mo)

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

oîte où les Anglais apportaient de l’argent et ça fuyait d’un autre côté par l’intermédiaire de je ne sais<br />

pas trop qui. […] On a eu <strong>des</strong> réunions à n’en plus finir, on nous a baratiné. (L'administrateur) a fait un<br />

recours hiérarchique, dans ce recours, elle a écrit <strong>des</strong> sottises parce qu’elle dit que je ne fais pas partie de<br />

l’activité reprise et moi je démontre que j’en fais partie, donc, dans ce recours, elle a écrit <strong>des</strong> sottises.<br />

[…] C’est vrai que depuis le départ du dossier, le service juridique a traité le dossier par-<strong>des</strong>sus la jambe.<br />

S’il n’y avait pas eu un recours juridique, j’aurai été virée comme une malpropre.» (Salariée protégée,<br />

juge prud'hommes, syndiquée, 54 ans, agent de maîtrise, CAP, PME, demande de <strong>licenciement</strong> pour<br />

inaptitude)<br />

Il faut ici insister sur l'extrême fragilité qui peut faire suite à certains <strong>licenciement</strong>s visant <strong>des</strong> <strong>salariés</strong> qui se trouvent<br />

totalement démunis parce qu'ils ne disposent pas <strong>des</strong> ressources nécessaires pour affronter ce problème. <strong>Le</strong>s cadres et<br />

les ouvriers ne sont pas en situation d'égalité. On peut aussi en avoir une indication en comparant les justifications <strong>des</strong><br />

<strong>licenciement</strong>s <strong>des</strong> ouvriers et <strong>des</strong> cadres telles qu'elles apparaissent dans les dossiers de l'inspection du travail. Pour les<br />

ouvriers qui se trouvent, sauf cas particulier, en position de déficit de ressources sémantiques et cognitives, le registre<br />

<strong>des</strong> <strong>licenciement</strong>s pour fautes professionnelles se construit sur une argumentation particulière. Dans ces dossiers, les<br />

situations décrites font souvent référence à <strong>des</strong> phénomènes de violence : de l'injure à l'intimidation puis aux coups. Or<br />

ce registre ne fait que refléter la difficulté qu'ont les <strong>salariés</strong> dans les fonctions les plus manuelles à répondre aux<br />

pressions ou aux attaques de la hiérarchie qui se déroulent, elles, sur un registre purement verbal et policé, mais qui<br />

peuvent être d'une très grande brutalité. Face à une violence qui se dissimule derrière <strong>des</strong> tournures édulcorées,<br />

euphémisées par la référence à <strong>des</strong> impératifs de gestion par exemple, certains <strong>salariés</strong> ne trouvent comme moyen de<br />

réponse que la violence physique. La violence peut alors être analysée comme une tentative désespérée de répondre à<br />

<strong>des</strong> situations vécues sur le registre de la plus grande injustice .<br />

Quand on analyse les dossiers de <strong>licenciement</strong> de cadres, le registre sémantique présent dans les dossiers ne se réfère<br />

plus à la violence mais à la compétence. <strong>Le</strong>s entreprises reprochent aux <strong>salariés</strong> leur manque de compétence. De<br />

manière symétrique, les <strong>salariés</strong> rétorquent en remettant en cause la compétence <strong>des</strong> décisionnaires, leur capacité à gérer<br />

les dysfonctionnements, à faire <strong>des</strong> diagnostics pertinents, à élaborer <strong>des</strong> stratégies industrielles et commerciales<br />

adéquates. <strong>Le</strong> deuxième registre apparaît socialement plus "acceptable" et surtout peut donner lieu à <strong>des</strong> argumentations<br />

et <strong>des</strong> interprétations divergentes et, donc, sont beaucoup plus facilement contestables devant l'inspecteur du travail ou<br />

devant le Ministère.<br />

Il est, d'autre part, important de signaler que dans les dossiers, et notamment les moins étoffés, la position du salarié ne<br />

fait pas toujours l’objet d’une formalisation. De même que la présence du salarié dans la procédure, l'écrit est<br />

étroitement dépendant du niveau de capital culturel détenu. <strong>Le</strong>s inégalités <strong>des</strong> acteurs dans la procédure renvoient donc,<br />

en premier lieu, à <strong>des</strong> inégalités cognitives.<br />

Toutefois, même pour <strong>des</strong> individus fortement dotés en capital scolaire, <strong>des</strong> situations ou <strong>des</strong> problèmes comme le<br />

sentiment de danger dans l'entreprise, le <strong>licenciement</strong> ou la permanence du chômage peuvent en quelque sorte<br />

neutraliser une grande part <strong>des</strong> ressources dont dispose l'individu (Correia, Pottier, 2001). Dans ce cas, le problème<br />

rencontré déshabille l'individu de tous ses attributs, le laissant seul et démuni face à <strong>des</strong> situations qu'il ne comprend pas<br />

et qu'il ne parvient pas à maîtriser.<br />

Dans le processus conflictuel, le cadre légal est aussi utilisé par l’entreprise et le salarié (les parties à la procédure)<br />

comme une ressource. C’est en fonction de ce rapport de force juridique que se construit l’issue du conflit.<br />

L’analyse <strong>des</strong> entretiens montre que le droit apparaît comme un moyen d’élargir la légitimité de l’argumentaire, en<br />

particulier en cas de désaccord.<br />

«Là, ça a commencé parce qu’à la 1 ère réunion du CE, X m’a insulté parce qu’à chaque fois qu’il disait<br />

quelque chose, je lui répondais en disant que ça ne fonctionnait pas comme ça. Je m’étais beaucoup formé<br />

entre temps. Il avait eu l’habitude d’un CE à sa botte, il a donc été très surpris. À la 2 ème réunion, il est<br />

arrivé avec un code du travail, et il faisait semblant de le feuilleter à chaque fois, il voulait, pour vous<br />

citer un exemple, rédiger lui-même les PV de CE ! la 1 ère rédaction, faite par Y et moi, une fois qu’on lui<br />

a présentée, il a voulu faire son PV, alors on lui a dit que ça ne marchait comme ça. Bref, on discutait sur<br />

<strong>des</strong> points de détail, <strong>des</strong> phrases, on a concédé 50% du texte, mais le reste on ne voulait plus. Et là il me<br />

sort, on était tous pantois : <strong>Mo</strong>nsieur Z, vous êtes un enculeur de mouche.» (Salarié protégé, délégué<br />

syndical, cadre, 42 ans, Bac, PME, demande de <strong>licenciement</strong> pour faute)<br />

Cette place accordée au droit se traduit par ce que l’on pourrait nommer une "juridicisation de la fonction".<br />

«Je tiens par exemple <strong>des</strong> permanences une fois par semaine depuis plusieurs années […] C’est vrai,<br />

quand les gens viennent nous voir, ils ont <strong>des</strong> deman<strong>des</strong> précises et de plus en plus précises, ils sont très<br />

demandeurs dans leurs précisions. Maintenant les gars ciblent et sont précis dans leurs attentes, donc ça<br />

96

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!