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Le licenciement des salariés protégés (DE février 2006) (pdf - 1.1 Mo)

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"Je faisais pas mal d'informatique, parce qu'en fait j'ai pris <strong>des</strong> cours de BTS Informatique par le CNED.<br />

Et ça je le faisais pendant que j'étais à l'armée. (Après dans l'entreprise) J'ai évolué quand même très<br />

rapidement, en fait, quand j'ai commencé, j'étais vraiment à l'échelon le plus bas dans la convention<br />

collective, et 4 ans après, j'étais cadre. (Pendant ce temps) j'ai repris mes étu<strong>des</strong> et j'ai passé un DUT de<br />

gestion en formation continue. […] <strong>Mo</strong>n titre c'était informaticien à l'époque, et là, il y a 2 ans quand je<br />

suis passé cadre, mon titre est devenu celui de responsable développement." (Salarié protégé, membre<br />

comité d’entreprise, délégué du personnel, non-syndiqué, 29 ans, cadre, Bac+2, PME, demande de<br />

<strong>licenciement</strong> économique)<br />

Toutefois, dès lors que la nature <strong>des</strong> fonctions n'est pas totalement définie, - l'autonomie est plus une question de degré<br />

que d'état - le système d'échange intégré dans le contrat ne peut faire l'objet d'un accord totalement explicite. Il s'agit<br />

alors, selon les termes de Saglio (1991), d'un "échange social" qui fait appel à la notion d'engagement, de mobilisation.<br />

Or, contrairement à l'échange économique dans lequel les obligations <strong>des</strong> uns et <strong>des</strong> autres sont entièrement spécifiées à<br />

l'avance, intervient ici, dans le cours de la transaction, un phénomène de « réciprocité » : les promesses inscrites<br />

implicitement au contrat vont s'échanger dans le temps.<br />

Que l'échange ne soit pas instantané et qu'il intègre un aspect qualitatif important, rend le contrôle de l'échange<br />

particulièrement difficile. De plus, que l'autonomie fasse partie de l'échange rend le contrôle tout à fait inopérant<br />

puisque cela reviendrait à nier justement la nature de ce qui est engagé. La réciprocité inhérente à ce type d'échange<br />

impose alors d'ajouter à la relation initiale, qui se fait entre <strong>des</strong> positions, la confiance qui est une notion qui ne peut<br />

s'appliquer qu'à <strong>des</strong> personnes. <strong>Le</strong> contrat moral engagé ici n'est donc pas contraire à la subordination, mais il ne peut<br />

non plus totalement s’y résumer.<br />

"On m’a dit que c’était intéressant, qu’on était assez libre, parce que comme pendant une dizaine<br />

d’années, j’étais indépendant, je ne voulais pas me retrouver dans une société où il y avait <strong>des</strong> comptes à<br />

rendre au jour le jour, où on avait <strong>des</strong> gens sur le dos au niveau de la hiérarchie. […] Je pensais que<br />

c’était une société où on pouvait avoir une carrière professionnelle, où on pouvait s’épanouir, où on<br />

pouvait, en rapport du travail fourni et de ses compétences, avoir un salaire adapté.» (Salarié protégé,<br />

délégué syndical, cadre, 42 ans, Bac, PME, demande de <strong>licenciement</strong> pour faute)<br />

En effet, les <strong>salariés</strong> trouvent d'importants avantages à cet échange. L'autonomie et la responsabilité constituent une<br />

partie du paiement de la contribution <strong>des</strong> <strong>salariés</strong>. Or ce type de rétribution est assez particulier : plus les <strong>salariés</strong><br />

s'engagent et plus ils acquièrent d'autonomie et de responsabilité. On est là dans le domaine <strong>des</strong> ressources qui ne<br />

s'usent pas quand on s'en sert, bien au contraire ainsi qu'a pu le mettre en lumière Hirschman (1986). De ce fait, la<br />

négociation autour de la contribution et de la rétribution perd, en partie, son sens puisque le coût de l'activité et le<br />

bénéfice sont confondus. En outre, en plus du plaisir qu'on peut en retirer de l'activité, s'investir dans ce type d'action<br />

pour d'autres raisons que la rétribution, c'est aussi acquérir l'impression de devenir "une personne" comme le décrit<br />

Hirschman quand il parle de l'investissement dans une action non-utilitaire.<br />

<strong>Le</strong> point de vue de l'entreprise en constitue une illustration, venant confirmer le jugement de valeur que ces <strong>salariés</strong> ont<br />

d'eux-mêmes.<br />

"Il était très brillant en informatique, mais presque trop pour nous. […] C’est un type, en 5 ans, il s’est<br />

rendu indispensable. […] C’était un petit génie. C’est pareil, là il faut dire les choses clairement et si vous<br />

appelez mon président, il vous le dira." (Directeur d'établissement, PME)<br />

"<strong>Le</strong> directeur ne tarissait pas d'éloges à mon encontre, donc c'était bien." (Salarié protégé, membre comité<br />

d’entreprise, délégué du personnel, non-syndiqué, 29 ans, cadre, Bac+2, PME, demande de <strong>licenciement</strong><br />

économique)<br />

Ces <strong>salariés</strong> arrivent ainsi, à partir d'un investissement fort dans leur activité professionnelle, (voir plus loin) à<br />

transformer, en partie, la situation de subordination inhérente aux relations salariales en situation de dépendance<br />

(Correia, 2003) ce qu'Albert Memmi (1979), distingue radicalement. "Si le dépendant et le dominé (utilisé dans le même<br />

sens que subordonné par Memmi) sont tous les deux aliénés, ils ne le sont pas de la même manière […] : le dépendant<br />

consent plus ou moins à son aliénation, le dominé, non. La raison en est claire : le dépendant trouve son profit à l'être ;<br />

le dominé non. On peut certes, être à la fois dépendant et dominé, mais cette coïncidence n'est ni automatique ni<br />

nécessaire." En outre, on peut ajouter à cette distinction le fait que la subordination est un concept statique car elle est à<br />

sens unique, alors que la dépendance est par nature dynamique puisqu'elle est réciproque : si le salarié ne tient pas ses<br />

engagements, cela a <strong>des</strong> effets directs sur le travail de son supérieur et probablement aussi <strong>des</strong> effets plus discrets sur la<br />

carrière. Or pour passer du lien de subordination à une situation de dépendance, il faut que les relations entre supérieurs<br />

et subordonnés, les relations d'autorité, se modifient, en y intégrant la confiance. En effet, autorité et confiance ne<br />

s'opposent pas. D'après Boudon et Bourricaud (1986), la confiance est liée à l'autorité : "on parle de l'autorité d'une<br />

personne, d'une institution, pour signifier qu'on leur fait confiance, qu'on accueille leur avis, leur injonction, avec<br />

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