Le licenciement des salariés protégés (DE février 2006) (pdf - 1.1 Mo)
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<strong>protégés</strong> et les autres. Aucune mention du bulletin de paie ne doit ainsi permettre d’établir une distinction entre les<br />
heures travaillées et les heures de délégation dont bénéficient les <strong>salariés</strong> <strong>protégés</strong> : de telles mentions sont illicites 1 . <strong>Le</strong><br />
salarié protégé doit bénéficier <strong>des</strong> mêmes garanties et notamment <strong>des</strong> recherches de reclassement 2 . Pour ce faire, tant le<br />
Conseil d’Etat que la Cour de cassation procèdent par comparaison ; c’est elle qui permet d’éventuellement faire<br />
émerger le lien avec le mandat 3 .<br />
Or la pression s’exerce de plus en plus sur la personne et non sur le mandat, fragilisant celui qui l’occupe, ainsi qu’en<br />
témoignent <strong>des</strong> <strong>salariés</strong> <strong>protégés</strong> interrogés :<br />
«On ignorait les gens» ; «on était écarté» ; «je pouvais rester à mon bureau sans rien faire, ils ne le<br />
remarquaient même pas." (Salariée protégée, juge prud'hommes, syndiquée, 54 ans, agent de maîtrise,<br />
CAP, PME, demande de <strong>licenciement</strong> pour inaptitude)<br />
Une autre salariée protégée, secrétaire de CE et syndiquée, expose la nature <strong>des</strong> pressions subies.<br />
«Mais moi je ne me mets pas en porte-à-faux, jamais. Ce que je ne sais pas faire, je ne le ferai pas.<br />
Pendant un moment il voulait me faire faire les fichiers croisés, alors je lui ai dit "je veux bien, mais faismoi<br />
voir", donc il m’a fait voir plusieurs fois. Une fois qu’il a vu que j’ai compris comment ça<br />
fonctionnait, il l’a mis dans les mains de quelqu’un d’autre. […] C’est un combat permanent, je peux<br />
vous assurer que je résiste.» (Secrétaire du comité d’entreprise, déléguée syndical, 58 ans, PME)<br />
C’est alors un processus d’éviction du salarié protégé qui est visé par de telles pratiques.<br />
« Là aussi ce sont <strong>des</strong> "trucs à pas de chance". Lorsque j'ai eu mon accident, on a diagnostiqué une<br />
luxation de l'épaule et non pas une fracture. Donc on m'a immobilisé, ma fracture s'est résorbée. En 2000,<br />
je ne pouvais plus lever un bras, je ne pouvais plus ni porter un verre ni quoi que ce soit, donc, la fracture<br />
avait été consolidée, mais il y avait <strong>des</strong> ligaments qui avaient été arrachés et qui ne fonctionnaient plus.<br />
J'avais donc l'épaule en très mauvais état. J'ai donc été ré-opéré en 2001, et c'est là où tout a été<br />
déclenché, on a mis quelqu'un d'autre à mon poste, on m'a viré de mon bureau à un autre, on m'a isolé de<br />
mon service. Bien avant j'avais 2 collaborateurs en recherche et développement, et je n'avais plus de notes<br />
de services, on les avait passées à mes collaborateurs. Je ne participais plus aux réunions du vendredi, on<br />
ne me convoquait plus. Donc ça, ça a été fait sciemment.» (Salarié protégé, délégué syndical, membre du<br />
comité d’entreprise, 55 ans, cadre, BEPC, PME, demande de <strong>licenciement</strong> pour inaptitude)<br />
Se met alors en place un phénomène d’usure : le salarié protégé victime de telles pratiques souhaite alors généralement<br />
partir, même s’il dispose d’un soutien au sein de l’entreprise.<br />
«<strong>Le</strong>s délégués m'ont proposé de rester, ils m'ont dit : réfléchis bien, mais si tu veux rester, nous, on fait ce<br />
qu'il faut, tu restes. Je ne voyais pas bien comment je pouvais rester dans <strong>des</strong> conditions pareilles,<br />
personnellement, je ne vois pas comment je pouvais travailler dans <strong>des</strong> conditions pareilles»." (Salarié<br />
protégé, membre comité d’entreprise, délégué du personnel, non-syndiqué, 29 ans, cadre, Bac+2, PME,<br />
demande de <strong>licenciement</strong> économique)<br />
Quant aux inspecteurs du travail interrogés, l’un d’entre eux, témoigne également de telles pratiques sans avoir<br />
cependant de réelles possibilités de contrôle : l’un fait état de «propositions de reclassements bidons» qu’il a refusées<br />
1<br />
La Cour de cassation s’est appuyée, dans un raisonnement a contrario, sur l’article R. 143-2 avant-dernier alinéa qui prévoit que "la<br />
nature et le montant de la rémunération de l’activité de représentation figurent sur une fiche annexée au bulletin de salaire" ; Cass.<br />
Soc. 18 févier 2004, Distribution Casino France c/ Theron, Bull.<br />
2<br />
CE 30 octobre 1985 - N° 40203, Me Garnier, syndic de la liquidation <strong>des</strong> biens de la S.A.R.L. Engineering et Ouvrages d'Art, Req.<br />
n°40203<br />
"Considérant que le syndic de liquidation <strong>des</strong> biens de la société Engineering et Ouvrages d'Art n'apporte pas la preuve qui lui<br />
incombe qu'ont été recherchés dans les sociétés du groupe Bouygues, pour MM. Authier, Couppe, Duval, Guillemont, Huin et<br />
Machado, <strong>des</strong> emplois équivalents à ceux qu'ils occupaient dans la société Engineering et Ouvrages d'Art, comme cela a été fait pour<br />
<strong>des</strong> <strong>salariés</strong> non <strong>protégés</strong> qui avaient <strong>des</strong> emplois de la même qualification professionnelle que les <strong>salariés</strong> <strong>protégés</strong> qui ont été<br />
reclassés dans les bureaux d'étu<strong>des</strong> de la société Bouygues; que le ministre du travail et de la participation a, par suite, commis une<br />
erreur de droit en annulant, au motif susindiqué, la décision de l'inspecteur du travail qui n'est entachée d'aucune illégalité".<br />
3<br />
Conseil d'Etat, contentieux, 29 décembre 1995, société compagnie européenne pour l'équipement ménager, n° 109626, inédit au<br />
recueil <strong>Le</strong>bon : « Considérant qu'il ressort <strong>des</strong> pièces du dossier que plusieurs emplois se sont trouvés vacants au sein de l'entreprise ;<br />
que si la SOCIETE COMPAGNIE EUROPEENNE POUR L'EQUIPEMENT MENAGER soutient que M. Saadani n'avait pas les<br />
qualifications requises pour les occuper, le bien-fondé de cette allégation n'est pas établi, alors surtout que certains de ces emplois ont<br />
été proposés à <strong>des</strong> <strong>salariés</strong> dont les qualifications n'étaient pas supérieures à celle de M. Saadani ; que, dès lors, la SOCIETE<br />
COMPAGNIE EUROPEENNE POUR L'EQUIPEMENT MENAGER n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement<br />
attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision en date du 16 avril 1987 par laquelle le ministre <strong>des</strong> affaires sociales<br />
et de l'emploi a autorisé la SOCIETE COMPAGNIE EUROPEENNE POUR L'EQUIPEMENT MENAGER à licencier M. Saadani<br />
pour motif économique ; ».<br />
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