Le licenciement des salariés protégés (DE février 2006) (pdf - 1.1 Mo)
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pourrait porter la responsabilité. La sortie de l'entreprise paraît alors, à terme, inéluctable. De la même manière, la<br />
dégradation <strong>des</strong> relations sociales contribue à rendre moins douloureux le départ de l'entreprise.<br />
Parce qu’on est licencié, on bénéficie du chômage donc c’est plus facile de partir, si on démissionne, on<br />
n'a rien. <strong>Mo</strong>i dans mon cas, je n’en pouvais plus, l’ambiance au niveau du service n’était pas terrible.»<br />
(Salariée protégée, déléguée du personnel, membre du CHSCT, non-syndiquée, 33 ans, CAP, agent de<br />
maîtrise, PME, demande de <strong>licenciement</strong> économique) 1<br />
<strong>Le</strong> manque de confiance dans l'avenir de l'entreprise associé à une certaine dégradation <strong>des</strong> relations sociales devient<br />
alors un puissant motif de départ. Certains <strong>licenciement</strong>s économiques ne sont, d’autre part, pas perçus par le salarié<br />
protégé comme <strong>des</strong> <strong>licenciement</strong>s mais plutôt comme <strong>des</strong> mesures d'âge, une opportunité de départ avant le terme.<br />
Quant aux <strong>licenciement</strong>s collectifs pour motif économique, ils peuvent intégrer un plan de volontariat avec <strong>des</strong> mesures<br />
incitatives qui rendent la sortie parfois préférable au maintien dans l'emploi. Si le salarié est en fin d'activité ou qu'il a<br />
un emploi assuré, le <strong>licenciement</strong> d'une entreprise déclinante peut apparaître comme une occasion à ne pas rater.<br />
Il n’y a dès lors rien d'étonnant à ce que certains <strong>licenciement</strong>s collectifs se fassent sur la base du volontariat. Par un<br />
renversement de perspective, la sortie de l'entreprise apparaît comme un sort enviable. Dans un tel contexte, vécu<br />
comme inéluctable ou encore comme une (relative) « aubaine », le <strong>licenciement</strong> économique paraît s’imposer, tant au<br />
salarié protégé qu’à l’inspecteur du travail qui subit souvent de très fortes pressions <strong>des</strong> <strong>salariés</strong> eux-mêmes pour<br />
autoriser le <strong>licenciement</strong> et rendre rapidement une décision.<br />
"À la demande de mon <strong>licenciement</strong>, il a fallu que je m'y reprenne 4 à 5 fois pour gagner un mois avec<br />
[l'inspecteur du travail. Il ne voulait] absolument pas. […] Il savait que personnellement, il a reçu 2 ou 3<br />
écrits de ma part, comme quoi c'était volontaire, comme quoi c'était un plan, je lui ai même dit à un<br />
certain moment. […] Je lui ai dit, mais vous vous rendez compte, vous allez imposer à la Sécurité Sociale<br />
de payer. Parce que moi, de toute façon, avant le plan, j'avais prévu de me faire opérer <strong>des</strong> varices. […]<br />
Tout mon mois de Février a été en arrêt de travail, je suis revenu 4 ou 5 jours, et là, je lui ai renvoyé un<br />
autre mot où je lui ai dit que le mois de Mars risque d'être pareil. […] Je dois vous dire honnêtement que<br />
j'ai fait le forcing. […] À la fin, il devait en avoir marre, il devait se dire : "celui-là, je vais encore recevoir<br />
2 ou 3 lettres de sa part, etc…" (Salarié protégé, secrétaire du CHSCT, non-syndiqué, 55 ans, cadre,<br />
BTS, CE-CHSCT, grande entreprise, <strong>licenciement</strong> économique)<br />
Il n’est donc pas surprenant, dans un tel contexte, que le pourcentage d'acceptation <strong>des</strong> deman<strong>des</strong> de <strong>licenciement</strong>s pour<br />
motif économique par les inspecteurs du travail soit élevé (91%, alors qu'il n’est que 63% s’agissant du motif<br />
disciplinaire et 77% pour le motif professionnel 2 ).<br />
D’autre part, le motif économique est deux fois plus souvent avancé dans les deman<strong>des</strong> de <strong>licenciement</strong> de <strong>salariés</strong><br />
<strong>protégés</strong> que pour l’ensemble <strong>des</strong> licenciés qui s’inscrivent à l’ANPE 3 . On peut donc tout à fait faire l'hypothèse que<br />
certaines entreprises saisissent cette occasion pour tenter de se débarrasser de certains <strong>salariés</strong> <strong>protégés</strong>.<br />
II- La persistance du conflit<br />
La persistance du conflit peut se traduire, au plan de l'analyse juridique, par la mise en œuvre d'un recours administratif<br />
ou contentieux (A) qui peut aussi être utilisé dans la recherche de l'écrasement de l'adversaire (B).<br />
A) <strong>Le</strong> recours administratif ou contentieux<br />
Deux voies, alternatives ou cumulatives, s’ouvrent aux parties à la procédure (le salarié ou l’employeur) dès lors<br />
qu’elles contestent la décision rendue par l’inspecteur du travail et en demandent l’annulation ou la réparation<br />
pécuniaire : le recours administratif ou le recours contentieux.<br />
<strong>Le</strong> recours administratif, c’est-à-dire porté devant l’administration elle-même, peut s’adresser à l’autorité qui a émis<br />
l’acte (recours gracieux) ou à l’autorité supérieure (recours hiérarchique porté devant le Ministre chargé du travail). Il<br />
n’a pas d’effet suspensif : dès lors, le <strong>licenciement</strong> autorisé par l'inspecteur du Travail produit tous ses effets : le salarié<br />
qui a été licencié de son travail n'est par conséquent plus tenu à l'obligation de loyauté qui pesait sur lui pendant la durée<br />
1 Toutefois, rien ne dit que cet optimisme soit justifié. Ainsi la situation de cette salariée deux ans après est loin de correspondre à ses<br />
prévisions : " C’est la merde, je viens de faire un dossier de surendettement, voilà où j’en suis actuellement".<br />
2 Merlier R. (2002), "<strong>Le</strong>s <strong>licenciement</strong>s de représentants du personnel en 2000", Premières informations, novembre 2002, n°48.2<br />
3 En 2003, deux tiers <strong>des</strong> deman<strong>des</strong> de <strong>licenciement</strong> de <strong>salariés</strong> <strong>protégés</strong> se fondent sur un motif économique tandis que seulement un<br />
tiers <strong>des</strong> <strong>salariés</strong> licenciés s’inscrivant à l’ANPE déclarent avoir été licenciés pour motif économique.<br />
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