Le licenciement des salariés protégés (DE février 2006) (pdf - 1.1 Mo)
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le dis encore aujourd'hui, mais il y avait au moins sur une page quelque chose qui ne devait pas tenir la<br />
route. Plus vous en mettez, plus vous avez <strong>des</strong> chances, sur un point au moins de n'être pas au top et donc<br />
de vous faire casser. Donc, je dis que ce n'est pas la peine d'accumuler, il faut aller au plus simple<br />
possible." (Inspecteur du travail)<br />
La pratique est différente pour un autre inspecteur du travail.<br />
"J’aime assez bien détailler, je parle <strong>des</strong> dossiers qu’on étudie vraiment, pas ceux où on sait qu’il n’y aura<br />
pas débat. Ceux vraiment qu’on a travaillé, je choisis en général d’être assez <strong>des</strong>criptif dans la motivation.<br />
D’abord parce que ça construit d’avance le travail qu’on doit faire du rapport s’il y a un recours<br />
hiérarchique. Ça peut aussi dissuader de le faire, pas toujours malheureusement, si on pense qu’on a<br />
développé <strong>des</strong> choses assez pertinentes, moi je me suis dit, après tout celui qui le reçoit, l’employeur,<br />
c’est son droit d’ailleurs d’avoir un acte motivé, je trouve que c’est normal, ça peut le dissuader si ce que<br />
j’ai développé est construit." (Inspecteur du travail)<br />
2) Une autorité qui dispose de pouvoirs encadrés<br />
<strong>Le</strong> droit a encadré les pouvoirs dont dispose l’inspecteur du travail. Il existe un droit de recours sur la décision prise<br />
(recours administratif, gracieux ou hiérarchique, et/ou recours contentieux). <strong>Le</strong>s personnes à qui la décision fait grief<br />
peuvent demander l’annulation de la décision de l’inspecteur du travail devant les tribunaux administratifs. D’autre part,<br />
la jurisprudence a défini <strong>des</strong> limites aux pouvoirs de l’inspecteur du travail. Si elle lui reconnaît la faculté de retenir,<br />
pour refuser d’accorder un <strong>licenciement</strong>, "<strong>des</strong> motifs d’intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de<br />
l'opportunité", c’est "sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou à l'autre <strong>des</strong> intérêts en<br />
présence" 1 . L’inspecteur du travail peut, d’autre part, voir sa responsabilité engagée dès lors qu’il a agi pour <strong>des</strong> motifs<br />
étrangers à l’intérêt général 2 . D’autre part, s’il incombe à l’inspecteur du travail de procéder à une analyse<br />
circonstanciée de la situation et de vérifier la matérialité <strong>des</strong> faits, il n’en demeure pas moins lié par les termes de la<br />
demande d’autorisation de <strong>licenciement</strong>. Autrement dit, il ne peut retenir de griefs qui n’auraient pas été invoqués par<br />
l’employeur ni s’abstenir de statuer sur certains griefs 3 .<br />
Investi de pouvoirs encadrés mais considérables, l’inspecteur du travail apparaît comme une "autorité". Il est, suivant<br />
l’étymologie du terme, à la fois le fondateur, l’instigateur, le conseiller et aussi l’auteur… C’est-à-dire qu’il dispose du<br />
"pouvoir d’imposer l’obéissance" 4 . <strong>Le</strong> Procureur général Touffait se référait, sous les fameux arrêts Perrier, au fait<br />
qu’ils " […] possèdent en outre, en général, une grande autorité morale dans les entreprises qu’ils surveillent" 5 .<br />
C’est ce que l’on retrouve indirectement exprimé par M.P., salarié protégé.<br />
"Pour nous [les <strong>salariés</strong>], inspecteur, c’est un nom qui est assez imposant, c’est vrai qu’on pense tout de<br />
suite : respect. Et il fait appliquer les lois, il fait envoyer les PV." (Salarié protégé, membre du comité<br />
d’entreprise et du CHSCT, syndiqué, agent de maîtrise, 28 ans, BTS, PME, demande de <strong>licenciement</strong><br />
pour inaptitude)<br />
C’est également l’image que renvoie un autre salarié protégé, raconté en <strong>des</strong> termes très forts.<br />
"Je pense que [le Directeur Général] avait quand même <strong>des</strong> craintes de ce côté-là, sans savoir ce qui allait<br />
lui arriver. Je sais qu'une fois, <strong>Mo</strong>nsieur M. [l’inspecteur du travail] était monté, il a dit à la standardiste<br />
(c'est elle qui me l'a rapportée) : je voudrais voir <strong>Mo</strong>nsieur G., Donc elle téléphone : <strong>Mo</strong>nsieur G. ?<br />
<strong>Mo</strong>nsieur M., l'inspecteur du travail est là. Il répond : dites-lui que j'ai <strong>des</strong> rendez-vous toute la journée.<br />
Alors <strong>Mo</strong>nsieur M. lui a fait dire qu'un inspecteur du travail vient quand il veut et sans rendez-vous, alors<br />
dites-lui qu'il annule ses rendez-vous et qu'il est à ma disposition. Ça ne lui avait pas plu, mais c'est<br />
comme ça que ça c'était fait. Je pense que <strong>Mo</strong>nsieur M., cette entité "inspection du travail" à travers un<br />
homme qui sait ce qu'il veut et qui connaît bien son boulot, ça leur a fait lever un peu le pied sur la pédale<br />
quand ils ont su que tout s'engageait par là. (Et vous pensez que c'est le seul fait que ce soit cet inspecteur<br />
du travail ou que ç'aurait pu être pareil avec un autre inspecteur ?) Ce n'est pas <strong>Mo</strong>nsieur M. mais<br />
1<br />
CE 1 <strong>février</strong> 1989 - N° 64575, Boistard. Ces motifs d’intérêt général qui peuvent consister à maintenir une représentation du<br />
personnel dans l’entreprise (CE 22 juin 1987, n° 74627), ou encore prévenir une augmentation <strong>des</strong> tensions sociales dans et hors de<br />
l’entreprise (CE 21 décembre 1994, n° 149089).<br />
2<br />
CE 6 janvier 1989 - N° 84757, Société Automobiles Citroën<br />
3<br />
CE 16 juin 1996, Sevestre.<br />
4<br />
<strong>Le</strong> terme est emprunté au latin auctoritas, dérivé de auctor (A. Rey, Dictionnaire précité).<br />
5<br />
Cass. Chambre mixte 21 juin 1974, Perrier, Dalloz 1974, p. 593, Concl. Touffait, p. 597.<br />
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