Le licenciement des salariés protégés (DE février 2006) (pdf - 1.1 Mo)
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Il est bien évident que comme toute personne, les préférences <strong>des</strong> inspecteurs du travail servent de premier prisme pour<br />
constituer leur jugement. Même s'il tente de mettre à distance ces préférences afin de porter un jugement "en toute<br />
objectivité", cela oriente la manière dont il se construit une opinion.<br />
La plupart <strong>des</strong> inspecteurs du travail interrogés déclarent ainsi avoir pour mission de rééquilibrer le rapport de forces en<br />
faveur <strong>des</strong> <strong>salariés</strong> ; ce jugement est partagé par la plupart <strong>des</strong> gestionnaires qui sont en contact avec eux.<br />
"Ayant moi-même <strong>des</strong> préoccupations sociales comme tout le monde, j’avais l’impression de pouvoir<br />
exercer un métier qui me permettait de penser, à tort ou à raison, mais sans gran<strong>des</strong> illusions, qu’on<br />
pouvait mettre en face certaines préoccupations sociales et une certaine activité professionnelle. Faire en<br />
sorte qu’un certain ordre public social puisse ne pas être trop bafoué, sinon parfaitement appliqué, mais<br />
éviter au moins certaines dérives." (Inspecteur du travail)<br />
Cette orientation pro salariée est assez marquée comme le traduisent deux inspecteurs du travail : le premier dans<br />
l'attention toute particulière qu'il prête au dossier, le second quand il répond à la question de l'objectivité <strong>des</strong><br />
inspecteurs.<br />
"Elle n’était pas d’accord, elle ne voulait pas partir. Donc, à partir de là, vous ouvrez vos oreilles.»<br />
(Inspecteur du travail)<br />
"Ce qui est critiqué c’est autour de la question de l’objectivité de la place de l’inspecteur du travail. <strong>Mo</strong>i<br />
je n’y crois pas vraiment, le code du travail est un droit de défense, c’est un droit de protection, vu sous<br />
cet angle, il n’est pas partial, je pense que c’est une illusion de croire en la neutralité." (Inspecteur du<br />
travail)<br />
Ce biais est suffisamment connu et s'applique de manière identique à tous les individus, sociologues et juristes y<br />
compris, pour qu'il puisse sembler ne pas présenter beaucoup d'intérêt. Toutefois, on ne peut se permettre de l'ignorer<br />
tout à fait. En effet, les représentations idéologiques, dans son sens le plus neutre, sont au centre de l'activité de<br />
l'inspecteur du travail et de la manière dont il prend ces décisions. L'utilisation du terme "perception" dans la citation<br />
qui suit est révélatrice de l'impossibilité où se trouvent les inspecteurs du travail d'objectiver totalement leurs jugements.<br />
"Encore une fois, c’est beaucoup la perception que je peux avoir de la volonté de l’acharnement mis par<br />
l’employeur à vouloir se débarrasser de quelqu’un et de ce que je peux sentir comme volonté de mettre à<br />
bas une section syndicale ou de rendre plus difficile la représentation du personnel dans l’entreprise."<br />
(Inspecteur du travail)<br />
En effet, l'avis que donne l'inspecteur du travail est très fortement marqué par les conceptions particulières qu'il se fait<br />
du monde social.<br />
La conception qu'il se fait de l'individu et de son autonomie apparaît déterminante. Elle explique certaines décisions que<br />
les inspecteurs du travail ont été amenés à prendre.<br />
"Je pense aussi que les gens sont assez grands pour faire la part <strong>des</strong> choses. (…) Je pense que les <strong>salariés</strong><br />
sont <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> personnes responsables. (…) On compte sur lui pour se défendre, c’est son emploi qui<br />
est en jeu. Et s’il ne veut pas se défendre, on ne va pas le sauver malgré lui." (Inspecteur du travail)<br />
2) L'appréhension du contexte<br />
Ainsi que nous l'avons déjà signalé en introduction, les faits bruts ne produisent pas mécaniquement une situation claire<br />
que l'inspecteur du travail pourrait comparer à <strong>des</strong> standards ou aux règles inscrites dans la loi. <strong>Le</strong>s inspecteurs sont<br />
confrontés à une pluralité de situations auxquelles ils n'appliquent pas les mêmes processus d'élaboration de leur<br />
jugement. C'est pourquoi, ces processus doivent être regardés dans le détail en fonction du type de situations<br />
rencontrées.<br />
La connaissance de l’entreprise, tant au niveau de ses mo<strong>des</strong> de fonctionnement que du "climat général", par<br />
l’inspecteur du travail apparaît également déterminante. "C’est la justification de notre compétence", selon les termes<br />
d’un inspecteur du travail.<br />
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