Le licenciement des salariés protégés (DE février 2006) (pdf - 1.1 Mo)
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"C’est une société familiale qui s’est développée extrêmement vite. En à peine 20 ans, on est passé d’un à<br />
82 magasins" (Salarié protégé, membre du comité d’entreprise, délégué du personnel, syndiqué, 37 ans,<br />
cadre, Bac+2, PME, demande de <strong>licenciement</strong> pour faute)<br />
Il n'est pas étonnant que <strong>des</strong> <strong>salariés</strong> non-syndiqués se présentent aux élections encouragés par leur hiérarchie<br />
"Et à ce moment-là, comme personne ne s'est présenté, on l'a fait. <strong>Le</strong> directeur de l'époque nous y a incité<br />
aussi, il nous a dit que ce n'était pas bien qu'il n'y ait personne, il fallait que quelqu'un se présente."<br />
(Salarié protégé, membre comité d’entreprise, délégué du personnel, non-syndiqué, 29 ans, cadre, Bac+2,<br />
PME, demande de <strong>licenciement</strong> économique)<br />
"Un exemple typique c’est (le directeur qui dit) : je verrai bien un tel et un tel comme délégué comité<br />
d’entreprise. […] On a l’impression que c’est lui qui pourrait les désigner." (Secrétaire du comité<br />
d’entreprise, syndiqué, PME)<br />
Ce positionnement provoque parfois une certaine confusion ou un tiraillement pour <strong>des</strong> <strong>salariés</strong> qui se vivent comme<br />
porteurs de l'intérêt de l'entreprise qui est pour eux aussi une sorte d'intérêt collectif qui s'oppose aux intérêts<br />
individuels.<br />
"Honnêtement, j'ai trouvé (l'accord RTT) extrêmement satisfaisant pour les <strong>salariés</strong>, de mon point de vue,<br />
même trop. Je faisais partie du collège cadre et agent de maîtrise, mais j'étais plus du côté employeur, et<br />
c'est vrai que ça a augmenté très fortement la masse salariale, tant mieux pour les <strong>salariés</strong> mais ça a coûté<br />
cher à l'entreprise." (Salarié protégé, membre comité d’entreprise, délégué du personnel, non-syndiqué,<br />
29 ans, cadre, Bac+2, PME, demande de <strong>licenciement</strong> économique)<br />
La recherche d'une valorisation personnelle<br />
Compte tenu de l'absence de normes de comportement ou de contraintes imposées par l'organisation syndicale sur les<br />
raisons et la manière d'occuper le mandat, ces <strong>salariés</strong> <strong>protégés</strong> peuvent ainsi s'investir pour <strong>des</strong> raisons plus<br />
personnelles qui peuvent être résumées par la recherche d'une valorisation sociale et professionnelle.<br />
Dans un tel cadre, les nouvelles tâches incluses dans le mandat apparaissent, dès lors qu'elles ont pour effet d'enrichir<br />
l'individu, déterminantes dans le choix d'occuper ou non le mandat.<br />
"Pour moi c’était une chance d’apprendre encore plus.» (Salariée protégée, déléguée du personnel,<br />
membre du CHSCT, non-syndiquée, 33 ans, CAP, agent de maîtrise, PME, demande de <strong>licenciement</strong><br />
économique)<br />
Mais cette valorisation se réduit rarement à une simple acquisition de connaissances techniques et à un enrichissement<br />
personnel du salarié. <strong>Le</strong> mandat représente en effet surtout un moyen d'acquisition de leur propre "valeur", les<br />
apprentissages ou les nouvelles fonctions n'étant qu'un moyen parmi d'autre d'atteindre ces objectifs. <strong>Le</strong>s rapports entre<br />
individu et travail deviennent, dans cette optique, tout à fait centraux. En effet, le travail – ici dans son sens le plus large<br />
ou le plus commun, d’activité salariée ou non - sert de référence identitaire (Castel, 1995).<br />
Pour ces <strong>salariés</strong> <strong>protégés</strong>, l'occupation du mandat est inséparable de la manière dont ils conçoivent leur activité<br />
professionnelle, déniant, de ce fait, toute composante idéologique au mandat qui est simplement perçu comme une<br />
extension du poste occupé jusqu'alors et doté d'un contenu fonctionnel. C'est ce qui explique que ce sont les mandats les<br />
plus techniques qui sont investis par les <strong>salariés</strong> qui s'inscrivent dans cette logique.<br />
En outre, le rôle identitaire du travail ne tient pas uniquement à son existence mais aussi à sa dynamique. Intégrant de<br />
multiples dimensions individuelles, et notamment celles qui sont liées à la réalisation de soi ou à la reconnaissance<br />
sociale, le travail ne fait pas sens pour les individus par sa seule existence ou ses contreparties salariales mais par la<br />
possibilité qu’il offre de modifier leur devenir (Berton, Correia et alii, 2004). L'engagement dans un mandat permet<br />
ainsi de passer d'une position d'exécution à une position où la marge de décision n'est pas négligeable. L'engagement<br />
permet d'accroître les capacités d'intervention de l'individu en augmentant l'accès aux informations, mais aussi la marge<br />
d'autonomie dont il dispose. L'engagement réduit fortement les contraintes et permet à l'individu d'effectuer <strong>des</strong> choix<br />
de champs et de mo<strong>des</strong> d'action. Et surtout ce type d'engagement repositionne l'individu de sujet à acteur de<br />
l'organisation et de sa propre vie.<br />
Toutefois, à moyen et long terme, se pose obligatoirement la question de la reconnaissance de cette valeur par<br />
l'entreprise et donc son inscription dans les hiérarchies de prestige de l'entreprise, c'est-à-dire la possibilité d'obtenir une<br />
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