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Passe Murailles n° 35 : Rester debout au trou - Webnode

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# <strong>35</strong> MMAARS//AAVRIL 2012<br />

actualités<br />

DR EEnki Bilal<br />

Le sort réservé <strong>au</strong>x fous en prison<br />

La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné en février dernier<br />

la France pour avoir emprisonné pendant quatre ans un détenu souffrant de graves<br />

<strong>trou</strong>bles ment<strong>au</strong>x, <strong>au</strong> lieu de le faire interner en établissement spécialisé.<br />

Le requérant est atteint d’une « psychose chronique<br />

de type schizophrénique ». Sa maladie génère des<br />

<strong>trou</strong>bles hallucinatoires, des délires ainsi que des<br />

conduites agressives et addictives.<br />

Entre 2005 et 2009, il a fait plusieurs séjours dans des<br />

établissements spécialisés pour apaiser ses crises. Mais,<br />

dans son arrêt, la CEDH estime « qu’il était vain d’alterner<br />

les séjours à l’hôpital psychiatrique, trop brefs et<br />

aléatoires et les séjours en prison, incompréhensibles et<br />

angoissants, d’<strong>au</strong>tant plus que le requérant était dangereux<br />

pour lui-même et pour les <strong>au</strong>tres 1 ». Elle note de<br />

plus que l’ « extrême vulnérabilité » du malade « appelait<br />

des mesures aptes à ne pas aggraver son état mental,<br />

ce que les nombreux allers-retours entre la détention<br />

ordinaire et les hospitalisations sont pas permis ».<br />

16<br />

par Claire vd Bogaard<br />

La CEDH, faisant état d’un traitement inhumain<br />

et dégradant, a condamné la France à verser<br />

10 000 euros, pour dommage moral, <strong>au</strong> requérant.<br />

La question centrale posée dans cette affaire<br />

est donc de déterminer si le milieu carcéral est<br />

en soi inadapté à un individu souffrant de<br />

pathologies invalidantes et si l’épreuve de la<br />

détention en tant que telle s’avère particulièrement<br />

pénible en raison de l’incapacité de l’individu<br />

d’endurer une telle mesure. Consciente des<br />

efforts déployés pour prendre en charge les<br />

<strong>trou</strong>bles ment<strong>au</strong>x et de la difficulté d’organiser<br />

des soins <strong>au</strong>x détenus souffrant de tels <strong>trou</strong>bles,<br />

la CEDH a cependant rappelé que, selon les<br />

Règles pénitentiaires européennes de 2006 2 , les<br />

détenus souffrant de <strong>trou</strong>bles ment<strong>au</strong>x graves<br />

doivent pouvoir être placés et soignés dans un<br />

service hospitalier doté de l’équipement adéquat<br />

et disposant d’un personnel qualifié. La<br />

vétusté et l’état indigne du Service médico-psychologique<br />

régional (SMPR) des B<strong>au</strong>mettes, à<br />

Marseille, où le requérant a été incarcéré à plusieurs<br />

reprises, ont en effet contribué à la condamnation de la<br />

France.<br />

Selon l’Observatoire international des prisons,<br />

« c’est la pénalisation croissante des <strong>trou</strong>bles psychiques<br />

qui est ici pointée du doigt » 3 . L’Association des<br />

secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire déplore<br />

de plus que l’incarcération de malades ment<strong>au</strong>x soit<br />

devenue « une alternative banalisée à l’hospitalisation<br />

». Selon maître Febbraro, l’avocat du requérant,<br />

« c’est la faillite de l'hôpital psychiatrique qui ne veut<br />

plus garder les malades, la faillite des experts judiciaires<br />

qui pénalisent toujours les faits <strong>au</strong> motif qu’un procès<br />

confronte les fou <strong>au</strong> réel »...<br />

NOTES<br />

1. Un de ses co-détenus est en effet décédé dans un incendie qu’il avait allumé dans leur cellule.<br />

2. La RPE 12.1 recommande que « les personnes souffrant de maladies mentales et dont l’état de<br />

santé mentale est incompatible avec la détention soient détenues dans un établissement spécialement<br />

conçu à cet effet ».<br />

3. Communiqué du 28 février 2012.

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