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Passe Murailles n° 35 : Rester debout au trou - Webnode

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La fouille : vers une réification<br />

programmée des corps ?<br />

Les fouilles corporelles à caractère systématique dans<br />

les établissements pénitentiaires ont été un sujet de<br />

l’actualité judiciaire de ces derniers mois. L’Observatoire<br />

international des prisons (OIP) a attaqué en justice<br />

plusieurs responsables de centres pénitentiaires<br />

dans lesquels le recours à la fouille corporelle est systématique,<br />

dès qu’une personne détenue est en contact<br />

avec le monde extérieur, notamment après les parloirs.<br />

Suite à ces procès, plusieurs établissements pénitentiaires<br />

ont été condamnés. On peut<br />

citer par exemple le cas du centre<br />

pénitentiaire de Poitiers-Vivonne,<br />

condamné le 24 janvier 2012 par le<br />

tribunal administratif de Poitiers à<br />

suspendre « la décision implicite par<br />

laquelle le directeur du centre pénitentiaire<br />

de Poitiers-Vivonne a rejeté<br />

la demande d’abrogation de la disposition<br />

du Chapitre IV du règlement<br />

intérieur de l’établissement instituant<br />

un régime de fouilles corporelles intégrales<br />

systématiques applicable à<br />

toutes les personnes détenues ayant<br />

accès <strong>au</strong>x parloirs ». Reste à voir si le<br />

centre pénitentiaire va décider de se<br />

soumettre à cette décision...<br />

Les fouilles en prison sont régies par l’article<br />

D.275 du Code de procédure pénale selon lequel « les<br />

détenus doivent être fouillés fréquemment et <strong>au</strong>ssi souvent<br />

que le chef de l’établissement l’estime nécessaire. Ils<br />

le sont notamment à leur entrée dans l’établissement et<br />

chaque fois qu’ils y sont extraits et y sont reconduits pour<br />

quelque c<strong>au</strong>se que ce soit. Ils doivent également faire<br />

l’objet d’une fouille avant tout parloir ou visite quelconque.<br />

Les détenus ne peuvent être fouillés que par des<br />

agents de leur sexe et dans des conditions qui, tout en<br />

garantissant l’efficacité du contrôle, préservent le respect<br />

LES FOUILLES EN PRISON SONT<br />

RÉGIES PAR L’ARTICLE D.275 DU CPP<br />

SELON LEQUEL « LLEESS DDÉÉTTEENNUUSS<br />

DDOOIIVVEENNTT ÊÊTTRREE FFOOUUIILLLLÉÉSS<br />

FFRRÉÉQQUUEEMMMMEENNTT EETT AAUUSSSSII SSOOUUVVEENNTT<br />

QQUUEE LLEE CCHHEEFF DDEE LL’’ÉÉTTAABBLLIISSSSEEMMEENNTT<br />

LL’’EESSTTIIMMEE NNÉÉCCEESSSSAAIIRREE.. IILLSS LLEE SSOONNTT<br />

NNOOTTAAMMMMEENNTT ÀÀ LLEEUURR EENNTTRRÉÉEE DDAANNSS<br />

LL’’ÉÉTTAABBLLIISSSSEEMMEENNTT EETT CCHHAAQQUUEE FFOOIISS<br />

QQUU’’IILLSS YY SSOONNTT EEXXTTRRAAIITTSS EETT YY SSOONNTT<br />

RREECCOONNDDUUIITTSS PPOOUURR QQUUEELLQQUUEE<br />

CCAAUUSSEE QQUUEE CCEE SSOOIITT.. IILLSS DDOOIIVVEENNTT<br />

ÉÉGGAALLEEMMEENNTT FFAAIIRREE LL’’OOBBJJEETT DD’’UUNNEE<br />

FFOOUUIILLLLEE AAVVAANNTT TTOOUUTT PPAARRLLOOIIRR OOUU<br />

VVIISSIITTEE QQUUEELLCCOONNQQUUEE ».<br />

<strong>35</strong><br />

Par Marion Auger et Camille Mercier,<br />

avec le soutien du GENEPI-Poitiers<br />

« AAvvaanntt dd''eennttrreerr ddaannss mmaa cceelllluullee<br />

IIll aa ffaalllluu mmee mmeettttrree nnuu<br />

EEtt qquueellllee vvooiixx ssiinniissttrree uulluullee<br />

GGuuiilllla<strong>au</strong>ummee qquu’’eess--ttuu ddeevveennuu »<br />

Guill<strong>au</strong>me Apollinaire,<br />

« A la Santé »,<br />

AAllccoooollss, 1911.<br />

de la dignité inhérente à la personne humaine ». Cet article<br />

laisse donc une grande liberté <strong>au</strong> directeurs des établissements<br />

pénitentiaires en ce qui concerne la fréquence<br />

des fouilles.<br />

Une fois ces considérations juridiques posées, il<br />

convient de s’interroger sur le sens de la fouille, sur ce que<br />

cet acte, banalisé par sa systématisation, comporte de<br />

violence 1 . Le fait de subir une contrainte est une forme de<br />

violence, d’<strong>au</strong>tant plus quand elle est imposée par une<br />

<strong>au</strong>torité tirant sa légitimité de l’État,<br />

comme celle de l’administration<br />

pénitentiaire en détention, ou bien<br />

celle de la police à l’extérieur. Elle est<br />

plus forte encore lorsqu’elle nous<br />

touche directement, lorsqu’elle s’attaque<br />

à ce qui devrait appartenir<br />

pleinement à chacun et ne devrait<br />

pas pouvoir nous être retiré : notre<br />

propre corps.<br />

Ainsi, Antoinette Ch<strong>au</strong>venet rappelle<br />

que « pour être intériorisée, la règle<br />

demande un fondement moral ».<br />

Pourtant, la règle en prison, et a fortiori<br />

les fouilles (mais l’on peut citer<br />

de même le contrôle du courrier, la<br />

surveillance à l’œilleton...), peut<br />

apparaître « immorale et contre-culturelle<br />

», donc « dépourvue de légitimité » et « injuste » 2 .<br />

Pourtant, dans les discours officiels, la fouille est<br />

un acte de sécurité qui vise à s’assurer que la personne<br />

qui doit s’y astreindre n’a rien sur elle d’illégal, comme par<br />

exemple des substances illicites. Si l’on prend l’exemple<br />

de la fouille en détention lors de parloir, il s’agit de s’assurer<br />

que la personne détenue ne cache pas quelque chose<br />

qu’elle va pouvoir ensuite faire passer à son visiteur<br />

durant le parloir ou bien à la suite de ce parloir, que le visiteur<br />

ne lui ait rien passé. Il semblerait alors que la fouille<br />

## 3<strong>35</strong>5 MMARRSS/AVRRIILL 2201122

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