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Passe Murailles n° 35 : Rester debout au trou - Webnode

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# <strong>35</strong> MAARS/AVRIL 2012<br />

dossier<br />

quance chez les personnes âgées que chez les jeunes (le<br />

t<strong>au</strong>x de chômage étant plus important chez ces derniers,<br />

les difficultés engendrées en termes d’emploi sont moins<br />

sensibles). Le caractère observable ou non du statut pénal<br />

explique probablement pour partie la plus grande importance<br />

des questions de discrimination à l’encontre des<br />

sortants de prison <strong>au</strong>x États-Unis par rapport à l’Europe.<br />

Le passé judiciaire des individus étant plus facilement<br />

consultable, la stigmatisation est opérée de manière plus<br />

avancée que dans bon nombre de pays.<br />

Le rapport entre la loi et le stigmate est moins<br />

simple qu’il ne pourrait y paraître à première vue. La discrimination<br />

peut exister en l’absence de loi, lui servir de<br />

renfort ou être suscité par elle 7 . Un certain stigmate reste<br />

attaché à l’adultère malgré sa dépénalisation, le rejet des<br />

condamnés vient s’ajouter à la<br />

peine judiciaire prononcée, tandis<br />

que les amendes décrétées contre<br />

le jet d’ordures dans les grandes<br />

villes ont sans doute plus pour<br />

objectif de créer un contrôle social<br />

de ce type de comportement qu’à<br />

donner lieu à des condamnations.<br />

Dans tous les cas, il est probable<br />

que le stigmate perde de sa force<br />

quand il se banalise. Augmenter le<br />

nombre de personnes punies peut<br />

donc aboutir à une plus faible stigmatisation<br />

et donc diminuer l’effet<br />

dissuasif et permettre une réinsertion plus aisée 8 .<br />

La littérature théorique avance donc deux effets<br />

princip<strong>au</strong>x de la stigmatisation à l’encontre des condamnés<br />

: un impact dissuasif sur la population générale et une<br />

plus grande difficulté à se réinsérer pour les sortants de<br />

prison. Une partie de la littérature s’est attelée à la tâche<br />

de mesurer la réalité de ces mécanismes.<br />

LES EFFETS DISSUASIFS DE LA STIGMATISATION<br />

L’expérience la plus étonnante destinée à mesurer<br />

les effets dissuasifs de la stigmatisation a été menée à<br />

la fin des années 1980. Dans sept villes des États-Unis, les<br />

policiers ont randomisé 9 la façon de traiter 900 cas de violences<br />

conjugales de faible gravité. Dans certains cas, les<br />

officiers intervenaient sans procéder à une arrestation,<br />

dans d’<strong>au</strong>tres le coupable était emmené <strong>au</strong> commissariat.<br />

La réponse policière étant tirée <strong>au</strong> sort, les deux groupes<br />

L’OUVERTURE DE LA POSSIBILITÉ DE<br />

CONSULTER LE PARCOURS JUDICIAIRE<br />

DES GENS INDUIT UNE DIMINUTION DES<br />

ATTEINTES AUX BIENS MAIS N’A PAS<br />

D’EFFET SUR LES ATTEINTES AUX<br />

PERSONNES. ON RETROUVE ICI UN<br />

RÉSULTAT ASSEZ FRÉQUENT EN<br />

ÉCONOMIE DE LA CRIMINALITÉ À SAVOIR<br />

QUE LES ATTEINTES AUX BIENS, AA PPRRIIOORRII<br />

PLUS MOTIVÉES PAR L’INTÉRÊT ET MOINS<br />

IMPULSIVES, SONT PLUS SENSIBLES À LA<br />

DISSUASION.<br />

80<br />

étaient a priori parfaitement comparables <strong>au</strong> moment de<br />

l’intervention.<br />

Une enquête a été effectuée dans les mois qui ont suivi<br />

afin de savoir si de nouve<strong>au</strong>x épisodes de violence<br />

avaient eu lieux. L’arrestation, quoi que désagréable n’entraîne<br />

pas un coût réel important. Elle n’est pas assortie<br />

d’une amende ni d’une condamnation formelle et s’apparente<br />

à une garde à vue en France. Les effets de l’arrestation<br />

sont donc a priori plus à chercher <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> de l’estime<br />

de soi ou du regard des <strong>au</strong>tres.<br />

Pate et Hamilton 10 , dans un article datant de<br />

1992, se sont attachés à mesurer les résultats de cette<br />

expérience. S’ils n’observent pas de différence globale<br />

entre les deux groupes, la réaction de certain sousgroupes<br />

varie. Ils constatent en particulier que les personnes<br />

disposant d’un emploi commettent de nouve<strong>au</strong>x<br />

actes violents de manière significativement<br />

moins fréquente s’ils ont<br />

été arrêtés (d’un point de vue statistique).<br />

Cet effet n’est pas observé<br />

pour les personnes <strong>au</strong> chômage.<br />

On re<strong>trou</strong>ve bien dans cette expérience<br />

l’idée que l’effet social de la<br />

sanction peut être dissuasif.<br />

L’étude menée, entre 1990 et<br />

2008, par Dara N. Lee 11 est probablement<br />

plus convaincante. Cette<br />

chercheuse de l’université du Missouri<br />

s’est intéressée à l’impact de<br />

l’accès <strong>au</strong>x données judiciaires dans les différents états<br />

américains. Elle constate que l’ouverture de la possibilité<br />

de consulter le parcours judiciaire des gens induit une<br />

diminution des atteintes <strong>au</strong>x biens mais n’a pas d’effet sur<br />

les atteintes <strong>au</strong>x personnes. On re<strong>trou</strong>ve ici un résultat<br />

assez fréquent en économie de la criminalité à savoir que<br />

les atteintes <strong>au</strong>x biens, a priori plus motivées par l’intérêt<br />

et moins impulsives, sont plus sensibles à la dissuasion.<br />

L’article de Dara N. Lee met également en avant une <strong>au</strong>gmentation<br />

de la récidive suite à l’ouverture de l’accès <strong>au</strong><br />

passé pénal de la population.

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