Passe Murailles n° 35 : Rester debout au trou - Webnode

# 35 MMAARS//AAVRIL 2012
dossier
liaux : « Je ne comprends pas pourquoi des parloirs
“conjugaux” ne peuvent être mis en place. Un détenu,
aimé, entouré, câliné par sa compagne ne deviendra-t-il
pas plus vite un “homme bien” ? À quoi sert la prison ?
Seulement à punir ? Uniquement à payer sa dette, à
racheter sa faute en frustrant au passage le plus possible
la famille du détenu ? Cette famille qui n’a pas su prévenir,
empêcher “l’acte fatidique”... » 9
Quid des liens sociaux des enfants incarcérés ?
La construction des Établissements pénitentiaires pour
mineurs (EPM) se fait de plus en plus loin de villes. L’accès
y est souvent compliqué pour les familles. Le Contrôleur
général des lieux de privation de liberté faisait état dans
son rapport sur l’EPM de Porcheville qu’il n’existe aucun
panneau routier faisant mention de l’emplacement de
l’établissement et de la direction à suivre pour s’y rendre.
Si les mineurs sont incarcérés, il n’en reste pas moins que
les liens familiaux sont importants pour ces prisonniers
que l’on considère à tort, trop souvent, comme des
adultes. Les sentiments d’abandon et d’isolement que
peut avoir le mineur incarcéré sont souvent ceux qui le
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poussent à des déviances au sein
même de l’établissement. Il suffirait de
se demander : comment peut-on
apprendre à ne pas récidiver et se
réinsérer, voire s’insérer, dans la
société, à un mineur, que l’on éloigne
du centre même de la vie ?
Et si Rachida Dati répondait que « les
familles devaient prendre leurs responsabilités
face à la gravité des faits
commis par leurs enfants. On ne peut
créer un EPM dans chaque ville » 10 , la
réponse qui devrait être apportée aux
personnes incarcérées n’est-elle pas
plutôt celle du décloisonnement ? Il
s’agit de répondre au mieux à la souffrance
de ces enfants.
Plutôt que d’éloigner les
proches, les citoyens, les Hommes de
leurs situations établies, il serait bon
de repenser, voire de penser, une justice
non seulement punitive, mais
aussi éducative en améliorant les
aménagements de peine, de façon à
ne pas encourager une fracture souvent
irrémédiable dans la vie d’un Homme, par l’enfermement
carcéral. Car « le temps qui passe […] joue comme
une cristallisation et un renforcement de la certitude
qu’on est définitivement perdu pour la “vraie” société
extérieure, qu’on a été “lâché” par elle, et donc la certitude
qu’il n’existe pas d’autre solution » 11 .
NOTES
1. Commentaire de la recommandation du comité des ministres aux États membres sur
les Règles pénitentiaires européennes, Conseil de l’Europe, 2006.
2. G.Duthé, A.Hazard, J-L. Pan Ké Shon, « Suicides en prison : la France comparée à
ses voisins européens », Populations et sociétés, n° 462, Ined, décembre 2009.
3. Parole de détenu en maison d’arrêt, source, Rapport de OIP, 2011, p. 233.
4. A.Chauvenet, « Les prisonniers : construction et déconstruction d’une notion »,
Pouvoirs, n° 135, novembre 2010.
5. À l’origine de la création de l’association « J’veux m’en sortir ».
6. Incident au centre pénitentiaire de Saint-Quentin Fallavier, janvier 2010 : protestation
contre des dysfonctionnements dans la gestion des cantines en refusant de réintégrer
les cellules après la promenade. Rapport de l’OIP, 2011, p. 278.
7. Témoignage d’un prisonnier, Association Ban Public, http://prison.eu.org/spip.
php?article7701
8. « Le téléphone en détention », Rapport de l’OIP, 2011, p. 224.
9. Témoignage d’une compagne de détenu, Lettre ouverte aux « autorités pénitentiaires
», http://prison.eu.org/spip.php?article11621
10. À propos du vécu des familles et proches de personnes incarcérées, UFRAMA,
mai 2009.
11. Témoignage d’Hervé Bompard.