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Passe Murailles n° 35 : Rester debout au trou - Webnode

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Nous avons vu pour vous...<br />

Exposition « Femmes et Justice »<br />

« Sous la robe, point de sexe »,<br />

qu’ils disaient...<br />

Les visages de lieutenants, directrices de prison, huissiers,<br />

ou encore avocates se succèdent. Si la volonté<br />

de mettre en lumière la condition de la femme <strong>au</strong><br />

sein de l’univers judiciaire paraît originale, le traitement<br />

qui en est effectué <strong>au</strong> sein de cette exposition peut laisser<br />

particulièrement perplexe. Sur les murs de la salle, une<br />

quinzaine de portraits de femmes se font face et se<br />

répondent, en robes de magistrat ou en uniformes de la<br />

police. Diane Rondot accompagne les visages d’une citation<br />

de la personne photographiée.<br />

Et c’est là que le retour de bâton se fait sentir. Sous le portrait<br />

de Perrine Rogiez-Thubert, lieutenant de police, on<br />

peut lire : « Je m’efforce de remiser mes émotions <strong>au</strong> vestiaire<br />

». Pour Carola Arrighi de Casanova, Substitut général<br />

à la Cour d’appel de Paris, il s’agissait de « ne pas être<br />

uniquement la femme de [son] mari ». Il semble dès lors<br />

difficile d’apprécier la singularité de ces témoignages. En<br />

97<br />

Par Anne Bastin,<br />

déléguée régionale<br />

du GENEPI-Île de France-Centre<br />

C’était un pari intéressant qu’annonçaient les Archives de Paris en proposant l’exposition<br />

« Femmes et Justice », par Diane Rondot, à la Direction des services des Archives, Porte des Lilas.<br />

« PPaarraaîîtt qquu’’yy aa ppaass ddee ssoott mmééttiieerr », affirmait jadis son poinçonneur, et paraît même que pour les<br />

femmes non plus… Restait donc à examiner plus en détails les dynamiques politiques, sociales et<br />

artistiques à l’œuvre dans cette exposition.<br />

quoi cette parole révèle-t-elle en effet les spécificités de<br />

leur quotidien, de leur métier, ou de leur vocation ?<br />

Le livret qui accompagne l’exposition n’améliore<br />

pas vraiment ce premier jugement. Hélène Dupif,<br />

chef de la Brigade de répression du banditisme, affirme<br />

ainsi : « Je me flatte d’avoir <strong>au</strong>gmenté […] le nombre de<br />

femmes à la BRB […] Elles apportent de la fraîcheur, de la<br />

légèreté ». Ces femmes pourraient donc se targuer d’être,<br />

une fois encore, une source de douceur et de sensibilité<br />

foisonnantes et sans cesse renouvelées ? Les témoignages<br />

laissent perplexes.<br />

L’on peut alors s’interroger sur l’objectif de cette<br />

exposition. S’agit-il d’évoquer la place de la femme <strong>au</strong><br />

sein des professions judiciaires, ou de mettre en question<br />

la capacité de la justice à répondre à des discriminations<br />

qui demeurent patentes ? Si l’exposition ne semble pas<br />

être un espace voué à la revendication, le problème semble<br />

néanmoins mériter d’être soulevé. Rappelons à ce<br />

titre que c’est seulement en 1900 qu’une femme a pu<br />

prêter serment pour la première fois, et que la magistrature<br />

s’est ouverte <strong>au</strong>x femmes en 1946. En outre, depuis<br />

1993, l’effectif des femmes avocats a <strong>au</strong>gmenté de plus<br />

de 50 % et l’École nationale de la magistrature est représentée<br />

par 80 % d’étudiantes. On peut déplorer que ces<br />

chiffres, mentionnés dans le livret accompagnant l’exposition,<br />

ne donnent pas lieu à une mise en lumière des<br />

enjeux qu’ils suscitent <strong>au</strong> sein même de l’exposition et <strong>au</strong><br />

travers des portraits présentés.<br />

C’est ainsi que malgré la solennité des cadrages,<br />

les réminiscences outrancières du drape<strong>au</strong> tricolore et la<br />

volonté louable de mettre <strong>au</strong> jour un pan souvent<br />

négligé de la justice française, l’exposition peine à se<br />

défaire d’images éculées et de revendications généralistes<br />

qui ne parviennent en <strong>au</strong>cun cas à mettre en<br />

exergue la spécificité du monde judiciaire, et encore<br />

moins la complexité d’affirmer un féminisme qui ne se<br />

limiterait pas à des considérations primaires.<br />

## 3<strong>35</strong>5 MMARRSS/AVRRILL 2201122

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