Passe Murailles n° 35 : Rester debout au trou - Webnode
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G / Il n’y a eu <strong>au</strong>cune incompréhension sur les termes du<br />
projet ? Parler d’échange, de circulation des savoirs ou de<br />
réciprocité dans l’apprentissage... Cela n’a pas été pas un<br />
point de blocage ?<br />
MH / Non... Mais je pense vraiment que, parce que le premier<br />
responsable de l’enseignement était très reconnu<br />
dans la prison, le fait qu’il ait amené ce projet a be<strong>au</strong>coup<br />
contribué à sa réussite. Après, j’ai eu be<strong>au</strong>coup plus de difficultés<br />
administratives, les détenus n’étaient pas convoqués,<br />
on ne réservait pas de salle... Des choses qui bloquent<br />
et qui deviennent pénibles <strong>au</strong>ssi.<br />
G / En ce qui concerne les ateliers plus particulièrement,<br />
quel était leur déroulement ? Comment étaient-ils animés<br />
?<br />
MH / Pour revenir sur les blocages de l’administration, elle<br />
a bloqué parce qu’elle ne voulait pas que des échanges<br />
entre détenus se fassent sans qu’il y ait quelqu’un, ce qui<br />
n’est quand même pas rien. Les détenus ne pouvaient pas<br />
se rencontrer si je n’étais pas là, où s’il n’y avait pas de surveillant.<br />
Cela a été problématique puisque les temps de<br />
permanence d’accueil permettaient <strong>au</strong>x détenus de se<br />
renseigner, de proposer leurs savoirs. C’était <strong>au</strong>ssi le<br />
temps où l’on procédait à l’échange de savoirs. Ces permanences<br />
étaient des temps de discussion informels. Et<br />
j’ai compris – mais vraiment tardivement – que ce temps<br />
de discussion informel était utile parce que les détenus<br />
avaient besoin de se faire confiance avant de rentrer dans<br />
l’échange. La discussion avait un sens réel finalement. Je<br />
me suis aperçue que les mecs ne se connaissent pas, ou<br />
bien seulement sous des rumeurs, des stéréotypes…<br />
G / Quelles étaient pour vous les finalités du rése<strong>au</strong><br />
d’échange en prison ?<br />
MH / Il y avait un peu de tout. Je ne me suis jamais fixée un<br />
objectif particulier parce que les rése<strong>au</strong>x d’échanges sont<br />
très longs à mettre en place et en si peu de temps, je n’<strong>au</strong>rai<br />
pas pu répondre à un objectif précis. L’intérêt était que<br />
les détenus s’expriment et qu’ils se prennent en charge, si<br />
vous voulez. Je me suis plus basée sur l’observation, après,<br />
de ce qu’il s’est passé. Dans les temps de permanence, on<br />
discutait, parfois les mecs n’étaient pas d’accord entre eux<br />
mais je me suis aperçue qu’ils arrivaient à entendre le<br />
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point de vue de l’<strong>au</strong>tre, à s’écouter. C’était un objectif que<br />
je ne m’étais pas fixée, à savoir de réinstaller son propre<br />
esprit critique. Pour moi, le rése<strong>au</strong> était fondé sur un<br />
retour à la socialisation. Se socialiser <strong>au</strong> sein d’un groupe<br />
et éventuellement partir pour se réinscrire dans un<br />
groupe à l’extérieur. J’avais <strong>au</strong>ssi des contacts avec le<br />
Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP).<br />
Nous nous étions demandé avec le chef du SPIP si nous<br />
pourrions travailler à l’extérieur, ensemble, c’est-à-dire<br />
que le rése<strong>au</strong> de Bar-le-Duc puisse travailler avec des sortants<br />
de prison ou en aménagement de peine. Il m’a expliqué<br />
que be<strong>au</strong>coup étaient en mal de contacts, de liens et<br />
que c’était bien le manque de socialisation qui les amenait<br />
parfois à récidiver. Je me suis dit que le rése<strong>au</strong> était<br />
une forme de prévention, en apprenant à vivre <strong>au</strong> sein<br />
d’un groupe.<br />
G / Y-t-il a eu des demandes d’ouverture sur l'extérieur de<br />
la part des personnes détenues ?<br />
MH / À Saint-Mihiel, ma finalité était que le rése<strong>au</strong> soit<br />
interne et que les bénévoles de Bar-le-Duc aillent à Saint-<br />
Mihiel pour faire fonctionner le système à son commencement.<br />
Or, l’administration me l’a refusé, elle a refusé ces<br />
liens dehors/dedans. Deuxième refus donc. Il y a tout de<br />
même une personne qui est intervenue, anciennement<br />
professeur d’histoire <strong>au</strong> sein de la prison, et qui a animé<br />
quatre séances sur la première guerre mondiale. On avait<br />
prévu <strong>au</strong>ssi une sortie sur le champ de bataille, ce qu’on<br />
avait préparé et puis <strong>au</strong> dernier moment, elle a été refusée.<br />
Cet intervenant est revenu six mois plus tard, quand<br />
je prolongeais le projet. La prison a accepté que ce monsieur<br />
vienne mais parce qu’ils le connaissaient déjà.<br />
G / Dans votre synthèse de l’expérience à Saint-Mihiel,<br />
vous souleviez que le système de Rése<strong>au</strong> d’échangeq réciproque<br />
de savoirs était détaché de toute institutionnalisation.<br />
Le fait de le proposer en prison, c’est-à-dire <strong>au</strong> sein<br />
de l’institution pénitentiaire, a-t-il été une limite à son<br />
développement ?<br />
MH / Sans doute parce qu’il ne peut et ne pourra pas ressembler<br />
<strong>au</strong> rése<strong>au</strong> de l’extérieur. Ce qui est intéressant,<br />
c’est que ce rése<strong>au</strong> n’appartenait à personne. Il a quand<br />
même été très longtemps assimilé à l’Éducation nationale,<br />
puisqu’on était dans les loc<strong>au</strong>x du scolaire, mais finale-<br />
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