Passe Murailles n° 35 : Rester debout au trou - Webnode
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Les premières règles à ne pas ignorer sont celles qui<br />
régissent le droit de visite.<br />
Pour visiter un proche, il f<strong>au</strong>t d’abord obtenir un permis<br />
de visite. Le permis est nominatif et strictement personnel<br />
(les mineurs doivent également détenir un permis<br />
de visite individuel).<br />
Pièces à fournir pour l’obtention d’un permis de visite :<br />
•photocopie de tout document attestant de l’identité<br />
du demandeur (carte nationale d’identité, passeport,<br />
permis de conduire, titre de séjour) ;<br />
• deux photos d’identité récentes ;<br />
• photocopie d’un document attestant des liens de<br />
parenté pour les visites de proches des personnes détenues<br />
(copie du livret de famille, certificat de concubinage)<br />
;<br />
• enveloppe timbrée <strong>au</strong> nom et adresse du demandeur<br />
;<br />
• lettre motivant l’objet de la visite et décrivant la<br />
nature des liens avec la personne détenue (famili<strong>au</strong>x<br />
pour les proches ou dans le cadre de la réinsertion de la<br />
personne détenue pour les personnes extérieures).<br />
Une fois le permis obtenu, vous devez appeler l’établissement<br />
pour réserver un parloir 4 .<br />
Vous ne pouvez apporter que certains objets très précis<br />
dans les parloirs et vous serez soumis à des mesures de<br />
contrôle à votre arrivée et votre départ (contrôle d’identité,<br />
contrôle des objets apportés et passage sous un<br />
portique de détection, avec possible palpation de sécurité<br />
avec votre consentement en cas de déclenchement<br />
de l’alarme ou d’impossibilité d’utiliser ce moyen).<br />
Les personnes mineures doivent avoir l’<strong>au</strong>torisation de<br />
leurs parents ou du titulaire de l’<strong>au</strong>torité parentale et<br />
être accompagnées d’une personne majeure, ellemême<br />
titulaire d’un permis de visite.<br />
Le mineur de plus de 16 ans peut venir sans accompagnateur<br />
si les titulaires de l’<strong>au</strong>torité parentale ont<br />
donné leur accord écrit et si la visite concerne un parent<br />
détenu.<br />
Suite à leur premier parloir, des proches de détenus<br />
témoignent de leur expérience. Ce sont toutes des<br />
femmes, et pour celles qui vont visiter leur conjoint, il f<strong>au</strong>t<br />
se rappeler que si un détenu a droit de s’abonner à la télévision,<br />
de cuisiner dans sa cellule, de faire du sport, de suivre<br />
des études, d’avoir un travail rémunéré, il n’a pas le<br />
droit (s<strong>au</strong>f dans les Unités de vie familiale) d’avoir des relations<br />
sexuelles avec sa compagne. « Je ne comprends pas<br />
pourquoi des parloirs “conjug<strong>au</strong>x” ne peuvent être mis en<br />
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place. Un détenu, aimé, entouré, câliné par sa compagne<br />
ne deviendra-t-il pas plus vite un “homme bien” ? À quoi<br />
sert la prison ? Seulement à punir ? Uniquement à payer<br />
sa dette, à racheter sa f<strong>au</strong>te en frustrant <strong>au</strong> passage le plus<br />
possible la famille du détenu ? Cette famille qui n’a pas su<br />
prévenir, empêcher “l’acte fatidique”. » 5<br />
J’ai rencontré quatre femmes – Cécile, Nath,<br />
Océane et Louise –, qui ont accepté de me raconter leur<br />
histoire, sans détour ni pudeur.<br />
Cécile s’est rendue plusieurs fois <strong>au</strong> parloir pour<br />
visiter un ami : « La première fois que je me suis rendue <strong>au</strong><br />
parloir, c’était pour visiter un ami qui venait d’être placé<br />
en détention provisoire. J’avais conscience de la dureté<br />
de la prison et que c’était un monde à part. Je n’avais par<br />
contre pas conscience qu’en en franchissant les portes en<br />
tant que visiteuse, j’allais devoir moi <strong>au</strong>ssi renoncer à ma<br />
dignité.<br />
Mon ami était détenu à plus de 300 bornes de mon domicile,<br />
mais je ne pouvais pas réserver de parloir à l’avance,<br />
j’entamais donc le trajet très tôt, en essayant de réserver<br />
pendant le voyage en train, sans être sûre d’obtenir de<br />
parloir et en risquant donc de rebrousser chemin.<br />
La première fois, je lui avais amené des affaires, sans<br />
savoir ses besoins et ce à quoi il avait droit. J’avais rangé<br />
des habits, des livres, des cigarettes, une peluche dans<br />
une petite valise. Arrivée sur place, le gardien m’a<br />
demandé où je me croyais avec ma valise, que c’était dans<br />
des sacs plastiques qu’il fallait amener les affaires, comme<br />
si c’était évident. Il a ensuite refusé les cigarettes, les livres<br />
et la peluche. Plus tard j’ai compris que tout dépendait du<br />
gardien sur lequel on tombait, et j’ai pu lui faire parvenir<br />
des livres, des cigarettes et cette peluche qui m’importait<br />
tant de lui transmettre. On s’attache à des choses sans<br />
importance en prison, à l’intérieur, comme de l’extérieur.<br />
Ma méconnaissance des règles avait fait perdre un peu de<br />
temps et les <strong>au</strong>tres visiteurs commençaient à s’impatienter.<br />
Je me sentais gênée. Au moment de passer les portiques,<br />
j’ai sonné. Après plusieurs tentatives, il s’est avéré<br />
que c’était mes ch<strong>au</strong>ssures, les responsables. Le gardien<br />
n’a rien voulu savoir, si je voulais ce parloir, je devais<br />
accepter de porter les espadrilles qu’il me tendait. J’ai<br />
ravalé ma fierté. Je m’étais faite “jolie” pour ce parloir, ces<br />
espadrilles venaient à bout de tous mes efforts, de toute<br />
ma volonté pour faire bonne figure, et de mes dernières<br />
convictions humanistes qui pouvaient encore avoir espoir<br />
en un système.<br />
Avec le temps, j’ai appris à faire selon les gardiens et à ne<br />
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