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Passe Murailles n° 35 : Rester debout au trou - Webnode

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# <strong>35</strong> MAARS//AAVRIL 2012<br />

actualités<br />

Ceci n’est pas un énième rapport<br />

Un accroissement sans précédent de la démographie<br />

carcérale court depuis le mois de juin 2011<br />

pour atteindre 66 445 personnes détenues <strong>au</strong><br />

1 er mars 2012. Parallèlement, plusieurs dispositions législatives<br />

sont proposées ou adoptées, telles que la création<br />

de nouve<strong>au</strong>x Centre éducatifs fermés ou l’application<br />

de nouve<strong>au</strong>x de programmes de constructions de<br />

prisons <strong>au</strong>x effets maints fois critiqués tandis que de<br />

fâcheuses pratiques perdurent <strong>au</strong> sein des établissements<br />

pénitentiaires malgré des condamnations jurisprudentielles<br />

répétées.<br />

Ces circonstances inquiétantes sont reprises<br />

dans la description et l’analyse des rouages de l’enfermement<br />

effectuées dans ce rapport. Celui-ci, <strong>au</strong>x côtés<br />

d’<strong>au</strong>tres – rares – sources de connaissances sur les lieux<br />

de privation de liberté, représente en effet un bilan dont<br />

on ne s<strong>au</strong>rait faire l’économie en cette période.<br />

Or, pas plus qu’on ne se saisit en profondeur de la question<br />

carcérale, les échos politique et médiatique <strong>au</strong> rapport<br />

paraissent, à ce jour du moins, maigres, sinon éphémères,<br />

se contentant de-ci de-là d’un seul des sujets<br />

phares traités <strong>au</strong> « bilan accusatoire » ou « déplorable ».<br />

À ce premier constat, s’ensuit la nécessité de<br />

passer en revue les thèmes traités dans ce rapport ainsi<br />

que les sujets objets de recommandations <strong>au</strong>près du<br />

gouvernement. Retenons en première ligne l’accès <strong>au</strong>x<br />

droits soci<strong>au</strong>x en détention. Qu’il s’agisse de l’application<br />

du régime général de l’assurance (dont la couverture<br />

maladie universelle) ou des droits à la retraite, leur accès<br />

est décrypté, avec une population emprisonnée de plus<br />

en plus vieillissante. Ainsi, l’application des droits à la<br />

retraire en détention est étroitement liée à la reconnaissance<br />

des trimestres pour le travailleur détenu dont la<br />

base forfaitaire paraît varier du droit commun : « les<br />

caisses d’assurance-maladie semblent ignorer [une circulaire<br />

de 2001] émanant uniquement de l’administration<br />

pénitentiaire », laquelle porte le calcul de la retraite<br />

de base sur un montant mensuel établi <strong>au</strong> vu du SMIC et<br />

non sur un montant trimestriel égal à 200 fois le salaire<br />

minimum (disposition du code de la sécurité sociale)<br />

(page 145 du rapport). Le calcul trimestriel étant plus difficile<br />

à faire valoir étant donné le nive<strong>au</strong> de rémunération<br />

du service général dans les établissements pénitentiaires...<br />

18<br />

Par Manon Ve<strong>au</strong>dor,<br />

présidente du GENEPI<br />

S’il peut être utile de mettre en contexte la publication du rapport d’activité 2011 du contrôleur<br />

général des lieux de privation de liberté, plusieurs circonstances peuvent être retenues sans se<br />

méprendre pour <strong>au</strong>tant sur un quelconque lien de c<strong>au</strong>salité.<br />

La question du travail en prison est donc tout<br />

logiquement posée, ce sur quoi porte la deuxième analyse<br />

du Contrôleur. Pour cela, les fiches de paies ont été<br />

décortiquées, les contrats conclus entre l’administration<br />

et les concessionnaires traduits et les conditions de travail<br />

des personnes détenues décrites d’après les témoignages<br />

et les enquêtes réalisées, mine d’information sur<br />

le travail en détention. En ce qui concerne la rémunération<br />

des travailleurs incarcérés, un « “seuil minimum de<br />

rémunération” des activités de production effectuées »<br />

est défini, dont le t<strong>au</strong>x horaire est fixé à 4,03 euros (page<br />

176), ce qui ne doit pas masquer le travail-salaire à la<br />

pièce, courant dans les établissements pénitentiaires :<br />

« Comment passe-t-on alors d’une rémunération théoriquement<br />

fixée à l’heure à un salaire calculé sur un nombre<br />

de pièces produites ? La réponse est alors toujours la<br />

même : “il f<strong>au</strong>t fixer une cadence” » (page 183).<br />

Par ailleurs, les risques d’une « traçabilité » intrusive<br />

dans les lieux de privations de liberté sont soulevés,<br />

avec des conclusions particulièrement inquiétantes à<br />

propos du Cahier électronique de liaison (CEL), du logiciel<br />

de gestion informatisée des détenus en établissement<br />

(GIDE) et de la conservation des données et des<br />

mentions portées qui y figurent 1 .<br />

Enfin, exposer les thématiques du rapport est<br />

une chose, évoquer la manière dont elles sont traitées en<br />

est une <strong>au</strong>tre. Ainsi, ce qui s’apparente à un « mince traité<br />

de la désinvolture administrative »(page 261) dévoile, en<br />

toute fin, le sort bien souvent réservé <strong>au</strong>x demandes ou<br />

pré-rapport adressés <strong>au</strong>x établissements pénitentiaires.<br />

Plus largement et sur un tout <strong>au</strong>tre registre, il à noter les<br />

recommandations effectuées cette année alors que les<br />

volontés politiques manifestées jusqu’ici ont pris un sens<br />

contraire. Ainsi en est-il des Centre éducatifs fermés qui<br />

paraissent faillir à leur mission éducative (page 39), ou<br />

encore de la création de places supplémentaire de prisons<br />

d’ici 2017 dont la nature des établissements pénitentiaires<br />

en c<strong>au</strong>se a été questionnée. Dénoncé un an<br />

plus tôt, ceci laisse à penser que le risque de « l’industrialisation<br />

de la captivité » est <strong>au</strong>jourd’hui conforté.<br />

NOTES<br />

1. Double alerte in fine puisque le rapport de l’Obervatoire international des prisons<br />

récemment publié a soulevé les mêmes craintes quant <strong>au</strong>x données inscrites dans le<br />

CEL.

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