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Passe Murailles n° 35 : Rester debout au trou - Webnode

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# <strong>35</strong> MMAARS//AAVRIL 2012 dossier<br />

toires. Tant qu’on ne rentre pas trop dans les détails sordides,<br />

que ça reste dans la limite du raisonnable... Me mettre<br />

tout nu devant un <strong>au</strong>tre homme ne me dérange pas. Je<br />

n’ai pas de complexes ! Ça n’a jamais été un souci. Mais<br />

c’est sûr que leurs fouilles restent abusives.<br />

J’ai connu ma dernière incarcération <strong>au</strong> centre<br />

de détention d’Uzerche, en Corrèze. C’est un endroit de<br />

dingue ! La prison est nickel, toute neuve, toute jolie... mais<br />

très répressive. J’arrivais de Bois-d’Arcy, où je travaillais à la<br />

maintenance.<br />

Quand j’y suis arrivé, on m’a mis en orientation, comme<br />

dans tous les centres de détention ; vous y restez une<br />

dizaine de jours, le temps qu’on voie quel genre de personnage<br />

vous êtes. Puis, on vous dispatche dans un bâtiment.<br />

On m’a tout de suite proposé un stage de cariste de six<br />

mois, et j’ai eu mon permis, même si je ne m’en suis jamais<br />

servi. J’ai gagné un peu de fric... Et, après ces six mois, on<br />

m’a envoyé dans un bâtiment où j'ai passé un an à zoner.<br />

J’envoyais des lettres à la direction en demandant du boulot<br />

mais il n’y avait rien à faire... J’ai laissé passer près de<br />

neuf mois, à essayer de rester calme. Mais un jour, j’ai disjoncté...<br />

Un surveillant est venu faire sa ronde, il a regardé<br />

à l’œilleton ; j’étais allongé sur mon lit. Il a mis des coups<br />

de poing sur la porte pour me demander de bouger, pour<br />

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lui prouver que je n’étais pas mort. Et comme j’avais la tête<br />

grosse comme une pastèque, je n’ai pas bougé. Au bout<br />

d’un moment, il a ouvert la porte, il est rentré dans la cellule<br />

et j’ai foncé vers lui, j’ai collé ma tête contre la sienne<br />

et je l’ai menacé... Bien sûr, il m’a mis un rapport. En fait,<br />

tout ça était un ras-le-bol de ma part !<br />

Lorsque je suis monté <strong>au</strong> prétoire, en commission disciplinaire,<br />

j’ai expliqué qu’avant de venir ici, je travaillais, et<br />

qu’il <strong>au</strong>rait fallu me laisser là-bas, où j’avais un travail, pas<br />

me mettre dans cet endroit où on crève de faim...<br />

Personne n’avait un centime ! On fait quoi ? On se tourne<br />

les pouces ? On se rackette les uns les <strong>au</strong>tres pour vivre ?<br />

Ensuite, j’ai réussi à décrocher un emploi de plombier<br />

dans la détention. J’allais partout, avec un surveillant avec<br />

moi, et j’avais une liste de dépannage à faire. Je changeais<br />

un évier, un robinet, une porte de douche, une cabine de<br />

douche... Mais j’ai mis neuf mois avant de l’obtenir...<br />

Il n’y a qu’à Fresnes que j’ai vu des étrangers traités<br />

différemment des <strong>au</strong>tres détenus... Ils les répertorient,<br />

les classent... Cela facilite sûrement leur boulot...<br />

Quelqu’un avec un mandat d’expulsion <strong>au</strong> cul va être<br />

classé en tant que tel et, peut-être que le jour où il sortira,<br />

les choses seront plus faciles pour l’administration.<br />

C’est dans le bâtiment de la 3 ème division qu’ils bourrent<br />

tous les étrangers, les sans-papiers, les gens de nationalité<br />

étrangère qui ne parlent pas un mot de français... Je pense<br />

que c’est ce que j’ai vu de plus inhumain. Là, on vous parle<br />

comme de la merde, parce qu’on sait que vous ne comprenez<br />

pas le quart de ce qu’on vous dit, on vous traite<br />

comme des chiens.<br />

J’ai fait du mitard là-bas, et j’espère que ça a changé<br />

depuis ! Ils avaient une lance à incendie, un peu comme<br />

les pompiers, pour balancer de l’e<strong>au</strong> à h<strong>au</strong>te puissance. On<br />

te met à poil et on t’asperge de flotte quand t’es pas<br />

content. Avant ça, quand t’arrives <strong>au</strong> mitard à Fresnes, on<br />

t’ouvre une porte et on te demande de te « foutre à poil ».<br />

Puis, ils ouvrent la porte pour te retirer tes affaires et les<br />

mettent sur le côté de la porte à l’extérieur. Et ils attendent,<br />

ils te font macérer. Si tu commences à péter un<br />

câble, à taper à la porte, on t’asperge de flotte ou on te<br />

met un coup de lacrymogène...<br />

Tout ça sert à t’humilier, je pense. Ils se disent sûrement<br />

qu’ils te matent, c'est un mot qu'ils connaissent bien.<br />

Quant <strong>au</strong>x conseillers d’insertion et de probation,<br />

je pense qu’ils manquent d’expérience sur ces ques-

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