Passe Murailles n° 35 : Rester debout au trou - Webnode
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Entretien avec Mélanie Habart,<br />
du Rése<strong>au</strong> d’échanges réciproques de savoirs<br />
<strong>au</strong> centre de détention de Saint-Mihiel (Meuse)<br />
GENEPI / Pourriez-vous revenir sur les principes fondateurs<br />
des Rése<strong>au</strong>x d’échanges réciproques dans<br />
les années les 1970 ?<br />
Mélanie Habart / Les Rése<strong>au</strong>x sont un mouvement qui<br />
existe depuis quarante ans. Ils ont été expérimentés dans<br />
une école, ils partent donc d’une administration. C’est un<br />
système qui permet de s’échanger des savoirs, un système<br />
où la parité est la règle. Nous sommes tous détenteurs<br />
de savoirs, nous sommes tous en demande d’apprentissage<br />
tout <strong>au</strong> long de la vie et il n’y a pas de hiérarchie<br />
entre les savoirs. Tout savoir est intéressant dès lors<br />
qu’il intéresse quelqu’un. C’est un système qui est démonétisé,<br />
on n’a pas la monnaie fictive des systèmes<br />
d’échanges loc<strong>au</strong>x.<br />
Et puis, on est sur une démarche pédagogique, c’est-àdire<br />
que l’intérêt est de rendre l’<strong>au</strong>tre <strong>au</strong>tonome face à sa<br />
difficulté. Ce n’est pas faire à sa place quelque chose mais<br />
c’est bien lui apprendre à faire par lui-même. Le système<br />
est basé sur la réciprocité : « j’offre et je demande, je participe<br />
à l’organisation ». Le savoir est vu comme un bien<br />
universel et un bien commun : tout le monde peut, à un<br />
moment, avoir accès à un savoir. Par savoir, on entend des<br />
savoir-faire, des connaissances, des savoirs techniques,<br />
des expériences de vie <strong>au</strong>ssi. C’est très vaste.<br />
G / Les rése<strong>au</strong>x se sont-ils inspirés d’un mouvement ou<br />
d’une définition particulière de l’éducation populaire ?<br />
MH / Non, pas spécialement. Par exemple, pour Bar-le-<br />
Duc – puisque je coordonne un Rése<strong>au</strong> d’échanges sur la<br />
ville de Bar-le-Duc –, il s’est développé selon les besoins<br />
qui se sont faits jour sur la ville. Le centre social duquel il<br />
est parti, qui est, lui, ancré dans l’éducation populaire, a<br />
eu le souci de re-dynamiser la participation des habitants<br />
et de <strong>trou</strong>ver un billet pour qu’il y ait une vraie participa-<br />
91<br />
Par Manon Ve<strong>au</strong>dor<br />
Il est des prisons où les sourdes-oreilles se font moins pesantes, des lieux, donc, où l’expression<br />
des prisonniers semble moins tabou et où l’échange de savoirs n’est ni un mot creux, ni<br />
un vœu pieux.<br />
Mélanie Habart est coordinatrice d’un Rése<strong>au</strong> d’échanges réciproques de savoirs (RERS) à Barle-Duc,<br />
dans la Meuse. En 2009, elle a initié un Rése<strong>au</strong> en prison, <strong>au</strong> sein du centre de détention<br />
de Saint-Mihiel. Une « permanence » hebdomadaire s’est mise en place, laissant libre<br />
parole à l’offreur et <strong>au</strong> demandeur : « DDaannss uunn rréésseea<strong>au</strong>u dd’’éécchhaannggee,, iill yy aa llee tteemmppss ooùù ll’’oonn ddiitt ccee<br />
qquuee ll’’oonn vveeuutt ooffffrriirr oouu ttrraannssmmeettttrree.. PPuuiiss oonn pprrooccèèddee àà ccee qquuee ll’’oonn aappppeellllee uunnee mmiissee eenn rreellaattiioonn,,<br />
cc’’eesstt--àà--ddiirree qquuee ll’’ooffffrreeuurr eett llee ddeemmaannddeeuurr ssee rreennccoonnttrreenntt,, aavveecc uunn mmééddiiaatteeuurr,, qquueellqquu’’uunn ddee<br />
nneeuuttrree,, eett oonn ddiissccuuttee :: ““QQuuee cchheerrcchheess--ttuu ?? QQuuee vveeuuxx--ttuu aapppprreennddrree ?? QQuuee vveeuuxx--ttuu ooffffrriirr ??”” ».<br />
Le rése<strong>au</strong> s’est développé sur plusieurs mois, mêlé d’aléas, d’imprévus et de succès.<br />
tion active. Le rése<strong>au</strong> a répondu à ce besoin et s’est développé<br />
petit à petit. C’est-à-dire que le rése<strong>au</strong> va se développer<br />
selon les personnes qui sont dedans et selon le<br />
besoin <strong>au</strong>ssi qui sous-tend sa mise en place.<br />
G / D’où a émergé votre projet <strong>au</strong> sein de l’établissement<br />
de Saint-Mihiel ? Pourquoi avoir choisi le milieu carcéral ?<br />
Et quels ont été les liens entre les expériences que vous<br />
avez connues à l’extérieur et ce qui a été développé à<br />
Saint-Mihiel ?<br />
MH / L’idée est venue parce qu’en 2008, j’ai repris une<br />
cinquième année universitaire en Master 2 de sociologie,<br />
où il fallait faire un mémoire. Après, la question de la prise<br />
en charge des détenus m’intéresse à titre personnel<br />
depuis très longtemps. J’ai donc lié dans le cadre de mon<br />
mémoire mon expérience professionnelle de coordination<br />
d’un rése<strong>au</strong> ici, à mes aspirations personnelles.<br />
J’ai développé le rése<strong>au</strong> dans un centre de<br />
détention pour hommes qui se situe à <strong>35</strong> km de Bar-le-<br />
Duc, en pleine campagne, dans une petite ville de 5 000<br />
habitants. J’avais à l’université des enseignements sur la<br />
vie en milieu carcéral et les projets qui ont pu être mis en<br />
œuvre. J’ai suivi l’intervention du Responsable de l’enseignement<br />
de la maison d’arrêt de Strasbourg. De ce qu’il a<br />
expliqué, lui travaillait sur l’illettrisme avec des détenus<br />
très jeunes. Sa façon de faire m’a complètement parlé et<br />
je n’étais pas encore très sûre de vouloir faire un rése<strong>au</strong><br />
parce que je jouais mon année dessus, je pouvais <strong>au</strong>ssi<br />
échouer.<br />
Je suis donc allée le voir à la fin du cours en lui<br />
expliquant que j’avais l’intention de développer un<br />
rése<strong>au</strong>. Il m’a mis en contact avec ses homologues sur la<br />
Meuse, le Responsable local de l’enseignement de la maison<br />
d’arrêt de Bar-le-Duc et celui de Saint-Mihiel. Très<br />
vite, celui de Saint-Mihiel m’a téléphoné en me disant<br />
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