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Passe Murailles n° 35 : Rester debout au trou - Webnode

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DR Clémennt Bernis<br />

tion et de probation, <strong>au</strong>x associations...) ; se renseigner<br />

avant évite de trop stresser avant le parloir... Et si on n’ose<br />

pas parler, il y a des forums sur le net sur lesquels il y a pas<br />

mal d’infos sur le déroulement des parloirs. Ça peut être très<br />

utile. Éviter de venir seule <strong>au</strong> premier parloir... On sait jamais<br />

comment on va se sentir avant, et surtout en sortant... J’ai vu<br />

des mères faire des malaises, par exemple. Mais vraiment, si<br />

ça ne va pas, il f<strong>au</strong>t parler... Je dis ça alors que je ne l’ai pas<br />

fais mais c’est vraiment important.<br />

À présent, je suis bénévole pour les familles avant les parloirs<br />

et je sais qu’il suffit quelquefois de dire quelques mots<br />

pour être rassuré et un peu plus détendu, surtout si cette<br />

personne nous est inconnue : on a moins peur d’être jugé.<br />

Mon regard sur la prison s’empire de jour en jour, souvent<br />

scandalisé par certaines situations, il y <strong>au</strong>rait tant à dire... Et<br />

malheureusement je doute que mon regard change en bien<br />

un jour. »<br />

Louise vient de vivre son premier parloir :<br />

« J’ai été <strong>au</strong> parloir voir le père de mes enfants dont je suis<br />

séparée. Je n’y connaissais rien du tout, à part qu’il fallait<br />

écrire le numéro d’écrou, car le parrain de mon fils y était<br />

<strong>au</strong>ssi (maintenant, il est en semi-liberté).<br />

Je n’avais pas tellement de préjugés, je n’osais pas y penser<br />

car j’avais peur, à chaque jugement, qu’il y aille. J’imaginais<br />

ça moins pire quand même !<br />

Étant une très jeune mère de deux enfants, j’avais déjà pas<br />

mal de m<strong>au</strong>vais regards, et quand il est parti, ça a redoublé<br />

; depuis son incarcération, on me prend en pitié, je n’aime<br />

pas. Certains se permettent de juger et d’<strong>au</strong>tres de me soutenir.<br />

Je ne le cache pas, je n’en ai pas honte !<br />

Oui je <strong>trou</strong>ve les conditions horribles, je ne pensais pas ça<br />

comme ça.<br />

Je conseillerai de ne pas trop stresser, d’essayer de discuter<br />

avec d’<strong>au</strong>tres visiteurs car les gardien ne renseignent pas. Et<br />

surtout de soutenir l’<strong>au</strong>tre et de ne pas avoir peur de craquer<br />

: c’est normal ! »<br />

Louise me recontacte pour me parler du deuxième<br />

parloir qu’elle devait vivre avec le père de ses enfants : « Je<br />

n’ai pas pu aller <strong>au</strong> parloir hier, je me suis perdue, donc j’ai<br />

raté l’heure. Le gardien n’a pas voulu prendre le sac de linge<br />

ni accepter que j’y aille quand même. J’étais en pleurs avec<br />

le sac et mon bébé de trois mois, mais non, je n’ai pas pu...<br />

Certains sont sympas, d’<strong>au</strong>tres non. »<br />

Ces témoignages montrent l’importance de changer<br />

notre regard, avant de pouvoir changer ce système tout<br />

réclusionnaire. La prison est une mise à l’écart sociale, et<br />

même des alternatives qui ne séparent pas les familles et les<br />

proches, tel que le bracelet électronique, laissent persister<br />

l’isolement. « Selon une partie des couples dont l’homme<br />

est placé sous surveillance électronique, le bracelet leur<br />

offre la possibilité de ne pas parler de délit et de sanction <strong>au</strong><br />

reste de la famille, amis et entourage. La peine est alors<br />

vécue comme un gigantesque mensonge, f<strong>au</strong>ssant toutes<br />

relations établies avec l’extérieur. » 6<br />

« Même <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> du voisinage, c’est tout bête. Par exemple,<br />

un voisin vient à la maison et me demande de venir<br />

chez lui. Et bien, il f<strong>au</strong>t mentir, et sans cesse mentir. J’ai du<br />

mal. On vit constamment dans le mensonge. Et après, les<br />

gens se posent des questions. » 7<br />

Cette femme fait part des inquiétudes quant à une absence<br />

de la vie sociale six mois durant : « Vont-ils nous réinviter ?<br />

Vous imaginez, donner des excuses bidons pendant plusieurs<br />

mois. Les gens sentent quand on leur ment. S’il avait<br />

été en prison, on <strong>au</strong>rait pu dire qu’il a dû partir pour le boulot<br />

ou parler d’une hospitalisation... Je pense qu’il y a des<br />

gens qui n’ont pas compris nos refus alors que tout semblait<br />

normal, et tout l’était pour eux. » 8<br />

La sanction qu’impose la prison ne doit être que la<br />

privation de circulation pour un temps donné, elle ne peut<br />

pas être la violation de la dignité, l’exclusion. Il f<strong>au</strong>t combattre<br />

le silence pour que cesse la honte.<br />

69<br />

NOTES<br />

1. Forum internet, Psychologie.com.<br />

2. Ibid.<br />

3. « Femme d’un prisonnier en centre de détention, Emmanuelle Delouvée témoigne »,<br />

Criminocorpus, 2012.<br />

4. Annuaire des établissements pénitentiaires : http://www.annuaires.justice.gouv.fr<br />

/annuaires-12162/annuaire-des-etablissements-penitentiaires-22648.html<br />

5. Une compagne de détenu, sur Prison.org.<br />

6. Uframag, <strong>n°</strong> 15, octobre 2011.<br />

7. Ibid.<br />

8. Ibid.<br />

## 3<strong>35</strong>5 MMAARRSS//AVVRRIILL 2201122

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