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Passe Murailles n° 35 : Rester debout au trou - Webnode

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LES MODES DE RÉSISTANCE<br />

FACE À L’HUMILIATION EN PRISON<br />

En réaction à ce choc, certains pourront <strong>trou</strong>ver<br />

une échappatoire dans la drogue et ses trafics, car la tentation<br />

est grande, en prison, de se procurer un peu de<br />

« shit » ou un des nombreux substituts à la drogue qui circule<br />

derrière les barre<strong>au</strong>x, prescrits par les médecins.<br />

Mais pourquoi ? Pour survivre, pour affronter le temps qui<br />

passe, puisque, de toute façon, on ne peut rien y faire… La<br />

consommation de drogue peut donc être le moyen que<br />

les détenus ont <strong>trou</strong>vé pour survivre <strong>au</strong> système de la prison.<br />

Système qui assume davanta-<br />

ge sa fonction de répression que<br />

de réinsertion, à en croire certains<br />

détenus.<br />

Ainsi la prise de drogue sera le<br />

mode de résistance qu’ils <strong>au</strong>ront<br />

<strong>trou</strong>vé pour « faire avec », pour supporter<br />

leur peine et pour supporter<br />

surtout l’humiliation d’être allé en<br />

prison, parfois « pour rien » étant donné l’effet désocialisateur<br />

de la prison souvent ressenti à la libération.<br />

Ainsi, que ce soit par faiblesse ou résignation, ils<br />

vont se replier sur eux-mêmes en préférant « laisser faire »,<br />

en attendant leur libération plutôt que de « préparer leur<br />

future sortie », à travers des activités, des débats…<br />

Certains seront contraints à adopter des attitudes de violence<br />

: envers eux-mêmes d’abord, en s’<strong>au</strong>tomutilant par<br />

exemple, mais <strong>au</strong>ssi envers les <strong>au</strong>tres en cherchant à blesser<br />

ses codétenus.<br />

Ainsi N. Bourgoin, établit, dans un rapport intitulé « Les<br />

<strong>au</strong>tomutilations et les grèves de la faim en prison » 1 , que<br />

les grèves de la faim sont fréquemment utilisées par les<br />

détenus pour tenter d’infléchir leur situation, en attirant<br />

l’attention de l’administration pénitentiaire sur leur sort.<br />

Quelles résistances à l’humiliation ?<br />

Comment garder sa dignité en prison ?<br />

52<br />

Par François Bourde<strong>au</strong>,<br />

du GENEPI-La Santé<br />

L’incarcération est censée permettre <strong>au</strong> prisonnier de faire un retour sur son acte, de « comprendre » pourquoi<br />

il a commis telle infraction. D’une certaine manière, l’espace de l’enfermement, en prison, l’y contraint : il n’a<br />

droit, à son entrée en prison, qu’à un nécessaire de toilette et des draps, pour vivre dans ce qui va constituer<br />

pour lui son unique espace de mouvement : une cellule de 9 m². C’est donc un passage plus que brutal : le<br />

détenu passe de la liberté de l’extérieur et de la chaleur des rues à l’enferment d’une cellule et à la froideur des<br />

barre<strong>au</strong>x. Ainsi, l’un des effets, et peut-être <strong>au</strong>-delà, l’une des finalités de la prison, consistent en la culpabilisation<br />

de l’individu.<br />

Le passage de la liberté à l’enferment peut être vécu de manière très différente selon les individus. Si certains<br />

vont aborder le passage en prison de manière très intime, en se recentrant sur eux-mêmes et sur leurs proches,<br />

d’<strong>au</strong>tres vont, à l’inverse, se tourner vers les quelques activités dites « réinsérantes » qu’offre la prison.<br />

# <strong>35</strong> MAARS/AVRIL 2012 dossier<br />

LES AUTOMUTILATIONS ET LES GRÈVES DE<br />

LA FAIM EN PRISON, CONSTITUENT LES<br />

SEULS ET UNIQUES MOYENS DE<br />

REVENDICATIONS DONT DISPOSENT LES<br />

DÉTENUS, POUR FAIRE CONNAÎTRE LA<br />

DÉTRESSE DANS LAQUELLE ILS VIVENT.<br />

Elles sont pratiquées par des prisonniers qui sont généralement<br />

condamnés à de longues peines, et qui sont relativement<br />

bien intégrés <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> familial. Les <strong>au</strong>tomutilations,<br />

comme les tentatives de suicide, sont quant à elles<br />

souvent pratiquées par des individus condamnés à de<br />

courtes peines, et qui sont souvent plus instables.<br />

Ainsi, les moyens de revendication des détenus peuvent<br />

prendre différentes formes, mais sont de toutes façons<br />

graves car ils portent atteinte, le plus souvent, à la santé<br />

du détenu.<br />

Enfin, le rapport fait le triste constat que les <strong>au</strong>tomutilations<br />

et les grèves de la faim en prison, constituent<br />

les seuls et uniques moyens de<br />

revendications dont disposent les<br />

détenus, pour faire connaître la<br />

détresse dans laquelle ils vivent.<br />

Cependant, l’administration pénitentiaire<br />

a constaté, toujours selon<br />

le même rapport, que 80 % de ces<br />

atteintes <strong>au</strong> corps étaient sans gravité.<br />

Quoi qu’il en soit, le refus de s’alimenter, ainsi que les conduites<br />

<strong>au</strong>to-agressives, restent des moyens de protestation<br />

et de revendication utilisés par les détenus contre<br />

leur entourage et le système pénitentiaire en particulier,<br />

afin de faire pression sur eux.<br />

De plus, ces contestations portent bien souvent sur des<br />

points précis de leur vie carcérale, comme les difficultés<br />

de communication entre les prisonniers et les surveillants,<br />

le manque d’hygiène en cellule…<br />

Ainsi, en septembre 2011, des détenus de la prison<br />

de Lyon ont choisi de faire entendre leurs voix par le<br />

biais de deux pétitions, dénonçant leurs conditions de<br />

détention et réclamant notamment plus de droits. Cellesci,<br />

bien que relayées par les médias, sont restées sans

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