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Passe Murailles n° 35 : Rester debout au trou - Webnode

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DR LL<strong>au</strong>renntt JJaaccqquua<br />

ont refusé l’application de la Loi de novembre 2009 encadrant,<br />

entre <strong>au</strong>tres choses, la procédure des fouilles corporelles<br />

pour comprendre. Arguant que la sécurité des<br />

établissements et des personnels était mise en c<strong>au</strong>se.<br />

Alors que tout un chacun sait que ce type de fouilles est<br />

– mais surtout restera toujours et avant tout –, la marque<br />

de la surpuissance du fonctionnaire face à l’être détenu,<br />

infériorisé.<br />

Il en a été de même – toujours par la Loi de novembre<br />

2009 – avec la diminution de jours pouvant être passés<br />

par les personnes détenues dans l’infâme lieu qu’est le<br />

mitard. Les mêmes réactionnaires y ont vu une atteinte à<br />

leur <strong>au</strong>torité. Alors qu’il ne s’agissait tout simplement que<br />

de baisser le degré de cru<strong>au</strong>té et de souffrance engendré<br />

par ce lieu barbare. Ces combats d’arrière garde menés<br />

par une certaine catégorie des personnels de l’administration<br />

pénitentiaire, et plus particulièrement par certains<br />

de leurs représentants syndic<strong>au</strong>x, ne sont que la marque<br />

d’un attachement féroce à une conception archaïque de<br />

l’enfermement. Archaïque mais contemporaine. Et il n’est<br />

pas excessif de penser que cet archaïsme perdure et<br />

accompagne l’institution pénitentiaire tant que la prison<br />

<strong>trou</strong>vera encore dans nos sociétés des promoteurs, des<br />

« consciences » pour défendre l’idée qu’il s’agit là d’un<br />

mal nécessaire.<br />

RÉSISTER À L’HUMILIATION<br />

Quand l’humiliation tient du système, seule la<br />

conscience de la cible peut produire les éléments de<br />

résistance. La personne détenue doit dans un premier<br />

temps prendre conscience des raisons pour lesquelles<br />

elle est soumise à ces mesures attentatoires à sa dignité.<br />

Sans ce passage obligé, sans cet état de conscience, la<br />

personne est frappée de plein fouet par les conséquences<br />

d’un acte subi, un acte volontairement destructeur. Oui, il<br />

f<strong>au</strong>t vite prendre conscience des raisons pour lesquelles<br />

on est amené à vivre de telles situations marquées du<br />

# <strong>35</strong> MMAARS//AAVRIL 2012 dossier<br />

56<br />

sce<strong>au</strong> de l’indignité. Comprendre le pourquoi pour<br />

construire le comment, ne pas subir. Comment le vivre<br />

le moins mal possible. Comment le supporter sans plier.<br />

Sans tomber.<br />

Je me souviens que lors de mes premiers jours<br />

passés dans la pe<strong>au</strong> d’un t<strong>au</strong>lard, les fouilles à nu<br />

étaient vraiment un « m<strong>au</strong>vais quart d’heure » à passer.<br />

À chaque mise à nu, j’étais étourdi par l’humiliation. Et<br />

j’ai vite dû comprendre le pourquoi de cette douleur, et<br />

surtout vite chercher comment m’en préserver avant<br />

que je ne me perde dans les profondeurs infinies de l’humiliation.<br />

Et j’ai compris. « Ils me veulent à genoux ! », « Ils<br />

me veulent infériorisés, le regard tombant sur mes ch<strong>au</strong>ssures,<br />

cassé ! ». Et j’ai <strong>trou</strong>vé la parade. Simple et efficace.<br />

Chaque fois qu’un fonctionnaire de l’administration pénitentiaire<br />

me demandait d’effectuer les actes lég<strong>au</strong>x de<br />

cette humiliante procédure de fouille à nu, je me disais<br />

que j’effectuais un exercice de gymnastique. Mouvements<br />

répétés. Sans état d’âme. Mécaniques. J’optais pour<br />

le geste détourné. La résistance par l’absurde. C’est ainsi<br />

que je ne suis pas tombé dans le piège tendu par cette<br />

administration qui non seulement ne se donne pas les<br />

moyens de parvenir à ses objectifs, insertion et lutte<br />

contre la récidive, mais promeut des pratiques qui rendent<br />

légions de personnes détenues définitivement<br />

inaptes à vivre <strong>au</strong> sein de la société, dans le respect des<br />

lois et l’esprit de fraternité.<br />

Bien que d’un naturel optimiste, de cet optimisme qui n’a<br />

rien de béat mais qui est issu d’un volontarisme fécond,<br />

fruit de l’engagement et de la solidarité active, je considère<br />

que la prison est – définitivement et irrémédiablement<br />

– porteuse des germes de la perpétuelle décadence<br />

et destruction des individus qu’elle détient contraints et<br />

forcés, ou, si vous préférez, « mis sous main de justice ». Et<br />

si même – comme il y a des exceptions à toute règle –, des<br />

personnes passées par la case prison ont (re)<strong>trou</strong>vé une<br />

juste place dans la société une fois la sanction effectuée, il<br />

est important de dire et redire avec détermination et<br />

esprit de responsabilité que la prison a toujours été – et<br />

sera toujours – ce lieu dans lequel l’humiliation touche<br />

massivement les personnes détenues. Une humiliation<br />

totalement contraire <strong>au</strong>x principes de simple humanité,<br />

mais <strong>au</strong>ssi contraire <strong>au</strong>x valeurs qui sont les nôtres. Un<br />

état de fait incompatible avec l’esprit des Lois qui régissent<br />

ces lieux. Le temps est venu de l’acter et d’en tirer les<br />

conséquences sans plus tarder. L’humiliation en prison est<br />

le voile de la vengeance sociale posée sur le visage de la<br />

Justice.

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