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Passe Murailles n° 35 : Rester debout au trou - Webnode

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# <strong>35</strong> MMARS/AVRIIL 2012<br />

dossier<br />

Les punitions de la honte<br />

L’exemple des « shaming penalties » <strong>au</strong>x États-Unis<br />

Toutefois, il n’est en réalité pas rare de croiser ce<br />

genre de situation <strong>au</strong>jourd’hui <strong>au</strong>x États-Unis. De<br />

fait, les « shaming penalties », ou peines de la honte,<br />

alternatives à l’incarcération dont le principe central est<br />

de mettre en scène en public la personne condamnée en<br />

tant qu’<strong>au</strong>teure du délit ou crime qu’elle a commis, séduisent<br />

de plus en plus de juges américains. D’après certains<br />

d’entre eux, ces formes de peines ont montré leur efficacité<br />

tant <strong>au</strong> regard de l’assouvissement d’un désir de<br />

revanche que du potentiel dissuasif de telles exhibitions.<br />

De nombreux juges américains estiment ainsi que des<br />

villes comme Kansas City, <strong>au</strong> Missouri, ont vu leur t<strong>au</strong>x de<br />

prostitution baisser de 40 % « grâce » à la diffusion à la<br />

télévision des portraits de clients pris sur le fait 1 .<br />

Si l’utilisation de formes de médias très diversifiées<br />

(publication dans la presse locale, diffusion via internet<br />

ou la télévision…) constitue une innovation associée<br />

<strong>au</strong> retour de la peine infâmante dans la justice américaine<br />

ces trente dernières années, les « shaming penalties » ne<br />

sont pas un concept nouve<strong>au</strong>. En effet, le pilori, le carcan,<br />

le rituel infâmant de la course de nudité à travers la ville<br />

ou encore la lettre écarlate sont <strong>au</strong>tant d’exemples de<br />

punitions par la honte dont les premières utilisations<br />

remontent <strong>au</strong> Moyen Âge pour la plupart. La réparation<br />

de l’acte délictueux commis par un membre de la collectivité<br />

passe alors par la destruction de l’image sociale de<br />

celui-ci. C’est ainsi la société dans son ensemble qui participe<br />

à l’application de la peine, et conforte tout à la fois les<br />

normes morales et éventuellement juridiques qu’elle<br />

s’est donnée. Bénédicte Sère et Joerg Wettl<strong>au</strong>fer écrivent<br />

ainsi que « La honte […] relève […] de l’espace public : les<br />

actes condamnés et condamnables (qu’ils soient péché<br />

ou f<strong>au</strong>te) concernent le regard d’<strong>au</strong>trui et mettent en jeu<br />

la réputation et l’estime sociale » 2 .<br />

En outre, les peines de honte ont été et sont toujours<br />

utilisées dans des cadres plus spécifiques. Martin<br />

Ingram, professeur d’Histoire Moderne à Oxford et spécialiste<br />

des questions pénales dans l’Angleterre victorienne,<br />

rappelle par exemple comment elles étaient pratiquées<br />

dans les collectivités religieuses, en soulignant qu’il s’agis-<br />

84<br />

Par Maylis Ferry<br />

du GENEPI-Borde<strong>au</strong>x<br />

D’<strong>au</strong>cuns seront surpris en croisant <strong>au</strong>x abords du centre commercial Galleria de Houston, USA, un homme<br />

immobile soutenant un panne<strong>au</strong> sur lequel on peut lire en lettres capitales : « JJee ssuuiiss uunn vvoolleeuurr.. JJ’’aaii vvoolléé 225500 000000<br />

ddoollllaarrss a<strong>au</strong>u FFoonnddss ddeess VViiccttiimmeess ddee CCrriimmeess ddee llaa CCoommmmuunna<strong>au</strong>uttéé ddee HHaarrrriiss.. DDaanniieell MMeerreelleess ». Cet homme est en train<br />

de purger la peine imposée par le Juge Kevin Fine, après avoir été reconnu coupable de détournement de<br />

fonds : six mois de prison, 400 heures de trav<strong>au</strong>x d’intérêt général, affichage permanent d’une pancarte à domicile<br />

indiquant « LLeess hhaabbiittaannttss ddee cceettttee rrééssiiddeennccee,, DDaanniieell eett EEllooiissee MMeerreelleess,, oonntt ééttéé ccoonnddaammnnééss ppoouurr vvooll », et port<br />

du panne<strong>au</strong> mentionné précédemment cinq heures chaque week-end pendant six ans (durée de la période de<br />

probation).<br />

sait alors également « d’un rituel de réinsertion dans la<br />

commun<strong>au</strong>té chrétienne alors que la honte comme<br />

peine juridique vise à stigmatiser le crime ou le délit » 3 .<br />

On les re<strong>trou</strong>ve <strong>au</strong>ssi dans certaines tribus de Native<br />

Americans ou chez les Amish mais, comme l’explique la<br />

professeure de Droit Toni Massaro, là encore « il est<br />

entendu dans ces commun<strong>au</strong>tés que la personne qui<br />

subit la honte a un rôle à jouer en ce qui concerne son<br />

retour dans le groupe » 4 .<br />

Le grand retour des punitions par la honte sur la<br />

scène juridique américaine, bien que d’héritage commun,<br />

ne s’est pas fait de manière homogène. Pour David R.<br />

Karp, on peut distinguer trois types de « shaming sentences<br />

» 5 : les « peines d’exhibition », les « peines dégradantes<br />

» et les « peines d’excuses ».<br />

Les « peines d’exhibition » se définissent par une volonté<br />

de mettre en scène une infraction et son <strong>au</strong>teur sur la<br />

place publique. Ainsi Glenn Mayer a été condamné en<br />

1995 à, entre <strong>au</strong>tres, une période de probation de trente<br />

mois durant laquelle une pancarte indiquant « Attention !<br />

Un dangereux criminel habite ici ! Entrez à vos risques et<br />

périls ! » devait être placée devant sa demeure.<br />

Les « peines dégradantes », en revanche, ont clairement<br />

pour but de dévaluer le statut social de l’individu<br />

condamné par l’humiliation. Par exemple, une personne<br />

sous probation, à qui l’on avait imposé de vivre dans un<br />

centre de réadaptation et de s’adapter à ses règles, s’est<br />

vue obliger par la justice de porter des couches par-dessus<br />

ses vêtements après avoir été accusé « d’agir comme<br />

un bébé ».<br />

Les « peines d’excuses », quant à elles, consistent en des<br />

excuses cérémoniales ou écrites adressées à la Cour, <strong>au</strong>x<br />

victimes ou à la société. De la sorte, on pouvait lire dans<br />

un journal de l’Oregon en 1991 à côté d’une photo de la<br />

personne condamnée et d’un descriptif de son infraction<br />

(vol) « EXCUSE – Je, soussigné Tom Kirby, souhaite présenter<br />

mes excuses <strong>au</strong>x habitants de Newport pour tous<br />

les problèmes que j’ai c<strong>au</strong>sés. Je sais maintenant que ce<br />

que j’ai fait était mal et égoïste. Je réalise <strong>au</strong>ssi que j’ai fait<br />

endurer be<strong>au</strong>coup d’épreuves à ceux qui étaient mes

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