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UN FRANÇAIS EN LOUISIANE 1860-1862

Notes et observations d'un écrivain et géographe français pendant la guerre de Sécession en Louisiane

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protestèrent contre une mesure qui les aurait privés de leurs artisans et des cultivateurs de

leurs propriétés. Les demandes du Brésil, présentées par l’entremise de M. Watson Webb,

ministre américain à la Cour de Rio de Janeiro au Brésil, ne furent pas mieux accueillies.

Le 21 juillet 1862, par une remarquable dépêche, le ministre Seward déclina d’une

manière catégorique toute espèce de complicité dans un projet de colonisation des bords

du fleuve Amazone, où les anciens esclaves américains n’auraient obtenu des terres et la

liberté qu’après avoir accompli trois années de travail forcé. Les Noirs américains libres

qui se sont dirigés en nombre assez considérable vers la république haïtienne sont des

émigrants volontaires. Ils ont déjà fondé dans cette colonie plusieurs villages, et

contribueront grandement à la prospérité de leur nouvelle patrie par le développement

qu’ils donnent à la culture du cotonnier.

On a souvent prétendu qu’à Washington, le gouvernement ou le cabinet républicain

avait eu l’intention de déporter en masse toute la population de couleur des États-Unis,

mais si le démenti solennel du président Abraham Lincoln ne serait pas suffisant pour

dénoncer cette accusation, les faits s’en chargent par eux-mêmes. Les Africains ont été

évidemment consultés, et dans aucun cas on n’a mis la main sur un seul d’entre eux pour

l’envoyer malgré lui sur une terre étrangère. On leur a simplement donné des conseils

qu’ils ont librement repoussés. C’était leur droit. Les Noirs dont les ancêtres ont été

enlevés sur la côte de Guinée par les trafiquants sont devenus Américains aussi bien que

les Blancs d’Europe émigrés dans le Nouveau-Monde. Très attachés à leur famille, à leurs

amis, au sol qui les a vus naître, ils veulent jouir de la liberté à l’endroit même où ils

étaient naguère esclaves, grandir en tant qu’hommes sur cette glèbe qu’ils cultivaient

naguère en qualité de bestiaux.

Aucun des Nègres qui ont été libérés à Beaufort et les plantations de la Virginie n’a

demandé à se rendre dans les États de l’Amérique du Nord. Leur réponse unanime aux

questions des missionnaires de la société d’émancipation a été la suivante : c’est ici que

nous voulons rester, donnez-nous un champ, payez régulièrement notre travail, et nous

serons satisfaits. Les hommes de couleur libres qui résident dans les grandes villes sont

en général moins attachés au sol que ceux des plantations, et consentiraient plus

facilement à émigrer. Mais ils ne songent guère à se rendre nulle part ailleurs que dans

les Antilles ou dans les contrées riveraines du golfe du Mexique. Les Noirs et les mulâtre

qui sont nés ou ont vécu dans des grandes cités comme Philadelphie, New-York ou

Boston, vont presque tous s’établir dans l’île d’Haïti. Ceux de La Nouvelle-Orléans ont

pensé à la péninsule de Floride, et sont en instance auprès du gouvernement pour y obtenir

des concessions de terres. Sous l’influence de la liberté aussi bien que jadis sous

l’influence de l’esclavage, les population d’origine africaine continueront de se masser

de plus en plus dans les contrées méridionales de la république américaine. Obéissant à

cette harmonie secrète qui existe toujours entre la terre et l’homme, les Noirs sont

graduellement entraînés dans le système d’attraction dont les Antilles forment le centre,

et s’agglomèrent peu à peu dans les régions tropicales du Nouveau-Monde. Plus n’est

besoin d’être prophète pour affirmer que les plages du golfe du Mexique et ces îles

merveilleuses qui déroulent leur demi-cercle brisé autour de la mer des Caraïbes

appartiennent désormais aux races mélangées.

Quoi qu’il en soit des destinées futures des Africains en Amérique, on peut considérer

l’institution de l’esclavage comme frappée à mort dans les États-Unis. Nous ne cherchons

point à nous dissimuler les obstacles de toute nature que doit surmonter la République

américaine avant de rentrer dans cette carrière de progrès qu’elle parcourait déjà d’une

allure si rapide. L’abîme de la dette, déjà si profond, se creusera davantage et des milliers

d’hommes tomberont à côté de ceux qui dorment sur les champs de bataille. D’immenses

désastres, proportionnés à la grandeur du crime national commis contre l’esclavage des

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