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UN FRANÇAIS EN LOUISIANE 1860-1862

Notes et observations d'un écrivain et géographe français pendant la guerre de Sécession en Louisiane

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37

ans dans l’Atlantique à la recherche des négriers. Le milliard dépensé par le

gouvernement anglais pour les croisières n’a servi qu’à rendre la traite encore plus

horrible. Ces quarante mille hommes et femmes enlevés, menottés et entassés à fond de

cale, ne restent pas tous à Cuba car un grand nombre d’entre eux sont importés aux États-

Unis sur des bateaux pêcheurs. En outre, des cargaisons d’esclaves sont directement

expédiées depuis la Guinée jusque dans les États sudistes, ainsi que l’a prouvé la saisie et

la condamnation du célèbre navire négrier américain Wanderer.

Vente d’esclaves africains à Cuba, ca. 1860. (Chubachus Library of Photographic History)

Cependant, en Amérique comme en tant d’autres colonies, on cherche à recruter de

nouveaux esclaves sous le nom moins odieux d’engagés ou d’immigrants libres. Ainsi la

législature louisianaise a récemment chargé la maison de commerce Brigham d’introduire

dans l’État 2 500 Noirs libres, à la condition de les persuader à s’engager pour au moins

quinze années. D’après le rapporteur, il s’agirait théoriquement d’assurer le bonheur de

ces Noirs, de les faire passer de la servitude la plus abjecte à une vie de travail adoucie

par l’influence du christianisme. Il s’agit de procurer à ces infortunés Africains toutes les

douceurs de la vie des esclaves d’Amérique, les gens les plus heureux qui vivent sous le

soleil ... D’ailleurs l’introduction de Nègres libres dans l’État et leur vie en commun avec

les esclaves ne peuvent créer aucun danger, car la couleur de leur peau, leur ignorance,

leurs habitudes, le genre de travail qu’on exigera d’eux, les mettront exactement sur le

même niveau que les esclaves déjà établis dans le pays. Et quand le terme de leur

engagement sera expiré, il nous suffira de dire qu’ils pourront s’engager de nouveau, ne

fût-ce que pour une période qui leur permette d’acquérir les moyens de retourner dans

leur patrie ou dans la république du Liberia, dont ils apprécieront les institutions libérales

et chrétiennes, grâce à l’apprentissage qu’il en auront fait sur le sol américain. Enfin le

rapporteur termine par un argument devant lequel toute opposition doit céder :

« Ceux, » dit-il, « qui sous prétexte d’humanité ou de philanthropie chrétienne,

repoussent l’introduction sur le sol louisianais de ces Africains sauvages, ignorants,

dégradés, non seulement s’appuient sur de faux raisonnements, mais encore et sans le

savoir, ils se rangent du côté de nos adversaires : les abolitionnistes nordistes ! Après cette

harangue, qui peut douter que la prétendue immigration libre ne soit en réalité l’esclavage

lui-même sous une forme non moins odieuse ? »

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