UN FRANÇAIS EN LOUISIANE 1860-1862
Notes et observations d'un écrivain et géographe français pendant la guerre de Sécession en Louisiane
Notes et observations d'un écrivain et géographe français pendant la guerre de Sécession en Louisiane
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Après la discussion de cette loi, le secrétaire à la Guerre applaudit au discours du
colonel John Cochrane disant à ses hommes : prenez l’esclave par la main, donnez-lui un
fusil, et demandez-lui, au nom de Dieu, de s’en servir pour la liberté de la race humaine !
Comme la loi sur l’extradition des fugitifs noirs existait encore, les officiers fédéraux
l’interprétaient suivant leurs idées ou les vicissitudes de la guerre. À Washington même,
des fugitifs noirs étaient, à l’insu de Lincoln, enfermés dans des cachots où ils restaient
des mois entiers. À ces atrocités on peut opposer de nombreux cas qui prouvent que les
citoyens du Nord améliorèrent leur comportement vis-à-vis des Nègres. Suivant
l’exemple qui leur avait été donné par Ben Butler, la plupart des généraux accueillaient
bien tous les fugitifs et se hâtaient de leur procurer un travail salarié. Plusieurs juges se
déclaraient incompétents quand les maîtres venaient réclamer leurs esclaves enfuis. Se
départant de sa réserve habituelle, le président Lincoln lui-même déclara publiquement
et solennellement : les contrabands confisqués ne seront jamais réduits à une nouvelle
servitude et je suis prêt à abdiquer plutôt que de tolérer une pareille infamie ! Enfin les
soldats menaçaient de leurs armes les chasseurs d’esclaves, et quand ils se mettaient en
marche, ils plaçaient les Noirs au milieu de la colonne afin que personne ne s’avise de les
toucher. Aussi le nombre des affranchis accrut rapidement dans toutes les régions
occupées par les armées du Nord. À Saint-Louis du Missouri, à Fort Monroe et sur tous
les points conquis de la côte sudiste, des colonies de Noirs libres se formèrent sous la
protection fédérale. Celle de Port-Royal en Caroline du Sud est la plus importante et la
plus intéressante. Les Africains y donnèrent le plus éclatant démenti aux calomniateurs
d’après lesquels le Noir ne saurait travailler sans un fouet brandi au-dessus de son corps.
Situé entre Charleston et Savannah, l’estuaire de l’île de Port-Royal est le meilleur
mouillage de la côte qui s’étend de la baie de Chesapeake au détroit de la Floride. Port
Royal offre aux escadres de la marine fédérale une excellente position stratégique qui leur
permet de surveiller de près les abords des deux cités voisines. Aussi, la première
entreprise majeure que les Fédéraux tentèrent pour renforcer leur blocus maritime fut de
conquérir cet estuaire. Le 7 novembre 1861, en début de matinée, une escadre fédérale
commença le bombardement des deux forts qui défendaient l’entrée de Port-Royal.
Quelques heures plus tard le drapeau étoilé flottait sur les retranchements de la garnison
ennemie et entraînait la saisie de toutes les îles environnantes.
Carte extraite de Letters from Port Royal, 1862-1868, éditées par Elizabeth W. Pearson.