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UN FRANÇAIS EN LOUISIANE 1860-1862

Notes et observations d'un écrivain et géographe français pendant la guerre de Sécession en Louisiane

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De leur côté, le Massachusetts et neuf autres États libres ont voté solennellement des

lois qui abrogent celle du Congrès sur l’extradition des esclaves fugitifs, et punissent de

deux à quinze ans de prison et de 1 000 à 5 000 dollars d’amende tout officier fédéral

coupable d’avoir appliqué la loi extradant un esclave. Le Congrès lui-même est un champ

clos où les Partis politiques ne s’occupent que de la question qui les divise, écartent toute

discussion qui n’a pas rapport à ce redoutable fait de l’esclavage, laissent en souffrance

les services publics, et parfois même n’ont pas le temps de voter le budget fédéral. Au

Sénat, un membre de ce corps auguste frappe un abolitionniste à coups de bâton et le

renverse aux applaudissements sauvages de ses amis, puis il donne fièrement sa démission

et revient siéger triomphalement, réélu par acclamation. La scission, même avouée,

pourrait-elle être plus complète, et la Caroline du Sud avait-elle besoin de déchirer le

drapeau fédéral ? Tout semble donc annoncer que la crise dont nous venons de montrer

la gravité approche de son dénouement. Espérons que la réconciliation s’opérera par des

moyens pacifiques. Déjà, dans les républiques hispano-américaines l’union s’est

accomplie entre les trois races. Le Blanc, le Rouge, le Noir et les innombrables métis

issus de leurs croisements sont frères et concitoyens. Les indigènes jadis maudits et les

conquérants qui s’étaient arrogé la spéciale bénédiction du ciel se sont réconciliés et ne

forment plus qu’un peuple turbulent, comme le sont tous les peuples jeunes, mais plein

d’avenir et d’espérances. Et cependant ces sociétés latines ont, comme la société angloaméricaine,

inauguré leur vie politique par l’extermination des Peaux-rouges et la mise

en servitude des Africains. N’est-il pas légitime d’espérer que les États esclavagistes

finiront par suivre ce noble exemple ?

Une fois vaincu, l’esclavage laissera le champ libre à l’esprit intrépide et victorieux

qui a rendu les républiques de la Nouvelle-Angleterre si justement chères aux amis de la

civilisation. Alors l’Arbre de la Liberté portera ses fruits, et le monde verra ce que peut

réaliser dans les sciences, les arts et l’économie sociale une république vraiment

démocratique lancée dans la voie des améliorations de toute espèce avec cette fougue qui

distingue le génie américain. Il serait difficile déjà de trouver dans aucune autre partie de

la terre des sociétés moralement supérieures à celles du Vermont, du Massachusetts, du

Rhode Island, du New Hampshire. La majorité des hommes qui les composent ont la

conscience de leur liberté et de leur dignité. L’instruction est générale, l’esprit d’invention

est surexcité au plus haut degré, l’amour des arts se développe, toute œuvre

recommandable est soutenue avec une générosité sans exemple ; le progrès en toutes

choses est devenu le but général. Ce que la liberté a produit dans ce coin de la terre, elle

le produira, nous n’en doutons pas, dans la vaste république anglo-saxonne, lorsque le

crime de l’esclavage sera expié, et que le Noir, enfin délivré de ses chaînes, pourra serrer

sa main dans celle de son ancien maître.

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