UN FRANÇAIS EN LOUISIANE 1860-1862
Notes et observations d'un écrivain et géographe français pendant la guerre de Sécession en Louisiane
Notes et observations d'un écrivain et géographe français pendant la guerre de Sécession en Louisiane
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un pas hors du champ sans un passeport, menacés à la moindre incartade du fouet, du
carcan ou de l’exil sur une plantation lointaine, épuisés par un travail incessant, ils ne
peuvent guère songer à tramer des conspirations dont l’unique résultat serait de les vouer
au massacre. Du reste, l’expérience est là : les insurrections locales, ou, pour mieux dire,
les simples tentatives de résistance, ont été sans exception violemment réprimées, et tous
les esclaves incriminés ont été pendus.
Liste d’esclaves africains enrôlés,
réquisitionnés ou, d’une manière ou d’une
autre, mis en service par les généraux des
armées confédérées, par l’administration
civile de Richmond ou par chacun des
États confédérés. Les planteurs à qui
appartenaient ces Noirs devaient, en
principe mais ne fut pas toujours le cas,
percevoir les indemnités prévues par les
autorités concernées, dans le cadre de la
loi émise par Richmond sur les
réquisitions.
À titre d’exemple, nous avons retenu,
deux excellents documents répertoriés
dans la Bibliothèque du Congrès.
Sur le relevé à gauche : figure la liste
nominative des esclaves qui ont été
contraints de travailler dans les ateliers de
la compagnie des Ashley Ferry Nitro
Works en Caroline du Sud et sur le
renforcement des fortifications de
Richmond. Sur ces relevés de la maind’œuvre
africaine réquisitionnée dans le
secteur privé, les Noirs ne sont mentionnés
que par leur prénom car ceux qui n’avaient
pas été affranchis ne portaient jamais un
nom de famille.
Aux États-Unis, et plus précisément
dans les anciens États esclavagistes qui
constituèrent temporairement l’ancienne
Confédération sudiste, l’extrême droite
formée par les Sons of the Confederate
Veterans et leur « branche armée » du
Klux Klux Klan continuent de vouloir
faire accroire que de très nombreux Noirs,
esclaves ou non, avaient combattu pour les
Confédérés … en bâtissant leurs
fortifications, en conduisant leur charroi,
en prenant en charge leur cuisine et en
s’acquittant des tâches répugnantes dans
leurs hôpitaux.
Pour bien comprendre la tranquillité générale qui règne dans les plantations du
sudistes, il ne faut pas oublier non plus que les Nègres d’Amérique sont presque tous
chrétiens fervents. Ils prennent au pied de la lettre cette parole de l’Évangile qui leur
ordonne l’obéissance passive, et que des prédicants tenus aux gages des propriétaires
commentent avec grand zèle. Privés d’amis sur cette terre, ils adorent d’autant plus
naïvement l’ami qu’ils vont chercher au ciel, et mettent leur espoir non dans leur propre
énergie, mais dans un miracle d’en haut. Laissant à Dieu l’œuvre de la rétribution finale,
ils ne songent aucunement à se venger eux-mêmes, et le plus grand nombre d’entre eux
ne prononcent jamais de paroles haineuses au sujet des Blancs qui les ont fait cruellement
souffrir. Rien de plus instructif à cet égard que les réponses faites à un questionnaire
adressé par la société d’émancipation aux surveillants des affranchis qui se trouvent dans
le Sud sous la protection du drapeau fédéral.