UN FRANÇAIS EN LOUISIANE 1860-1862
Notes et observations d'un écrivain et géographe français pendant la guerre de Sécession en Louisiane
Notes et observations d'un écrivain et géographe français pendant la guerre de Sécession en Louisiane
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Malheureusement le général Frémont avait eu le tort de voir des êtres humains dans
ces misérables esclaves, il leur promettait la liberté comme si pareil privilège était fait
pour eux ou pour des bêtes de somme et il portait atteinte aux droits sacrés des
propriétaires. Lincoln s’empressa d’écrire au général Frémont pour lui rappeler, en termes
très stricts, la loi sur la Confiscation des biens appartenant à l’ennemi. Non content
d’intervenir ainsi, le Président révoqua ensuite le célèbre abolitionniste et le remplaça par
le général Henry Halleck, dont l’un des premiers soins fut d’interdire l’entrée de ses
camps aux fugitifs noirs.
Proclamation du général Frémont émanant de son quartier général à St. Louis (Kentucky) et établissant la Loi
martiale dans son département - Commentaires du New York Herald du 16 septembre 1861 sur la note que Lincoln
a adressée au général Frémont avant de le révoquer de son commandement. (National Archives)
Cependant, les abolitionnistes du Kansas, insoucieux et indifférents à la discipline
militaire appliquée en terrain ennemi, n’en continuèrent pas moins leur guerre
d’émancipation. Des colons impatients de toute légalité s’étaient réunis en foule dans ces
régions situées aux confins du monde civilisé et forcément négligées par le gouvernement
fédéral. Leurs bandes, il faut le dire, étaient composées d’éléments très divers. Une
pléthore de pionniers demi-sauvages étaient accourus uniquement par amour de la
bataille. Le plaisir de courir les aventures et de braver les périls, l’orgueil farouche qu’on
éprouve à vaincre la faim, le froid ou la fatigue, les émotions de l’embuscade, les hideuses
joies du cri de guerre et de la lutte corps à corps, toutes ces choses qui effraient l’homme
paisible étaient précisément ce qui attirait ceux qui étaient désormais connus sous le nom
de redoutables jayhawkers.
La présence des Indiens ajoutait encore à la fête. La fraction la plus importante de la
tribu des Creeks et des Séminoles, les Cherokees, les Choctaws et tous les Peaux-Rouges
qui, sous prétexte de civilisation, étaient devenus propriétaires de Nègres 10 , s’étaient
soulevés en faveur de la Confédération et ils menaçaient les pionniers du Kansas de
scalper tout vif ceux qui tombaient en leur pouvoir. Des coureurs de prairie, des Pauvres
Blancs du Texas et de l’Arkansas grossissaient ces bandes féroces. En face de pareils
adversaires, les capitaines des bandes unionistes usaient eux aussi de procédés
sommaires. L’un de ces chefs les plus violents, Jim Lane, un sénateur démocrate converti
à l’abolitionnisme, ne craignait pas de dire à ses soldats : détruisez, dévastez, désolez,
voilà la guerre !
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Lors du recensement de 1860, ces diverses tribus possédaient 7 369 Noirs répartis entre 1 154 propriétaires. Un seul planteur
creek avait à lui seul 227 esclaves.