UN FRANÇAIS EN LOUISIANE 1860-1862
Notes et observations d'un écrivain et géographe français pendant la guerre de Sécession en Louisiane
Notes et observations d'un écrivain et géographe français pendant la guerre de Sécession en Louisiane
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de fouet. L’esclave noir est une chose et non pas un homme, et ceux qui le transportent
d’un endroit à un autre sont responsables de sa perte ou des accidents qui peuvent lui
arriver, comme ils le seraient de la perte ou des avaries d’un colis ou de toute autre
marchandise. La loi a décrété que les esclaves n’ont pas d’âme, elle a condamné à mort
leur intelligence et leur volonté, elle ne laisse vivre que leurs bras. Les esclaves n’ont pas
d’âme ! Tel est le principe qui donne naissance à tant de crimes, il est la source impure
de laquelle un torrent d’iniquités déborde à grands flots sur l’Amérique. Les droits des
esclaves, si cet auguste mot peut être profané pour des hommes qui n’ont pas la liberté,
se rapportent exclusivement à leur vie animale. Tout planteur est tenu de donner chaque
mois à son esclave une pinte de sel et un baril de maïs, ou bien l’équivalent en riz, haricots
ou autres grains. Chaque été, il doit délivrer, à chacun de ses Nègres, une chemise de toile
et une paire de pantalons. Au commencement de l’hiver, il donne des vêtements de
rechange et une couverture de laine.
Le Code Noir louisianais, calqué en grande partie sur celui
rédigé en 1685 pour les Antilles, est promu en 1724. Ses 55
articles qui réglementent le statut des esclaves et des Noirs libres,
ainsi que les relations entre maîtres et esclaves. Il prohibe par
exemple les mariages et les relations sexuelles entre Blancs et
Noirs - contrairement à l’Édit de 1685. Il détaille également les
châtiments corporels en cas de de vol ou de fuite, oblige les
planteurs à faire instruire leurs esclaves dans la religion
catholique, à leur fournir la nourriture et l’habillement, à les faire
chômer les dimanches et jours de fêtes, et à ne pas les maltraiter
de façon abusive, etc.
Comme dans les Antilles toutefois, le Code Noir est souvent
contourné. Les planteurs, avec la complicité passive des autorités
locales et de la justice royale, ne mettent en application le texte
que lorsqu’il leur convient. Ainsi, s’il n’y a guère de mariage
mixte en Louisiane, les concubinages entre Blancs et Africaines
se développent et donnent naissance à une petite population de
mulâtres ; les planteurs, contrevenant au Code, autorisent souvent
leurs esclaves à élever des volailles ou des cochons, à cultiver des
petits lopins individuels et même parfois à posséder des armes,
leur accordant de fait une relative liberté d’action ; certains
maîtres, sans être inquiétés par les autorités judiciaires, n’hésitent
pas non plus à faire preuve d’une sévérité extrême à l’encontre de
leurs esclaves.
Cette version du Code Noir de Louisiane de 1724, a été
publiée dans le troisième volume des Historical Collections of
Louisiana (1851) de French (Gallica.bnf.fr).
En page 21 du Code Noir qui est toujours en vigueur en Caroline du Sud, il serait
interdit aux planteur blancs de faire travailler leurs esclaves plus de quinze heures par
jour en été, et plus de quatorze en hiver. Le repos du dimanche ne peut être ravi aux Noirs,
sauf si les planteurs leur donnent 50 cents pour le travail de cette journée. Les maîtres
n’ont jamais à rendre aucun compte des coups de fouet qu’ils distribuent à leurs esclaves
ni des heures de travail auxquels ils les soumettent. Cependant en Caroline du Sud, le
Code Noir renferme la clause suivante :
« Toute personne qui, volontairement, coupera la langue à un esclave ou lui arrachera
l’œil, le châtrera, l’échaudera cruellement, le privera de l’usage d’une partie de son corps,
ou lui infligera une punition féroce autre que la peine du fouet, du nerf de bœuf, du bâton,
des fers, de la prison et du cachot, sera passible d’une amende pour chacun de ces délits. »
Cet État fixe cette amende à 61 dollars, quoiqu’elle puisse s’élever à 200 et même à
500 dollars en Louisiane. Cet article de loi offrirait au moins une garantie aux esclaves
africains si leur maître pouvait être accusé par ses victimes, mais les Noirs n’existent pas
devant la loi.