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-Tu vas à la messe ? Demande l’ado<strong>le</strong>scent avec un brin de moquerie en<br />
examinant son costume.<br />
-J’attends Cupidon.<br />
-Tu veux que j’appel<strong>le</strong> un taxi ?<br />
-Te fiches pas de ma gueu<strong>le</strong>, Junior ! Je suis de bonne humeur. Profitesen<br />
! Et va me chercher un café.<br />
-Yes boss ! Répond Raphaël en entrant dans l’ombre fraîche de la<br />
maison »<br />
*<br />
Midi est passé sans que <strong>le</strong> mirage de Natacha paraisse à l’horizon. Les<br />
ombres de fin d’après-midi se glissent doucement autour de la maison.<br />
Gonzague est toujours vautré dans <strong>le</strong> canapé. Il transpire comme un Turc<br />
aux bains et ses yeux lancent des éclairs de rage. Ses cousins l’évitent car<br />
ils connaissent la puissance de destruction des éléphants en rut. A<br />
présent, il n’est plus humain, plus éléphant, même pas mammouth. Il est<br />
<strong>le</strong> Krakatoa qui mugit au fond de l’océan.<br />
La nuit tombe. Des phares approchent au détour de la route. Enfin ! Il<br />
se recompose une allure de Roméo.<br />
Marc et Bill sortent de la Landcruiser. Ils sont seuls. Gonzague s’en<br />
étonne.<br />
« Où sont donc <strong>le</strong>s gonzesses ? Se demande-t-il »<br />
A l’ouest, la lueur pâ<strong>le</strong> du crépuscu<strong>le</strong> s’attarde derrière <strong>le</strong>s collines qui<br />
passent du b<strong>le</strong>u sombre au noir des ombres chinoises. La première étoi<strong>le</strong><br />
paraît, brillante comme un espoir. Venus reflète la lumière crue du so<strong>le</strong>il<br />
juste au dessus de la colline, impatiente d’allumer la gerbe des myriades<br />
d’étoi<strong>le</strong>s qui éclabousseront bientôt l’obscurité.<br />
Une tiédeur langoureuse envahit l’air et absorbe toutes <strong>le</strong>s formes dans<br />
sa soupe grisâtre. Puis, ce n’est plus qu’une terre d’encre noire qui s’unit<br />
simp<strong>le</strong>ment dans la mer d’encre des cieux. Le ruban soyeux de la voie<br />
lactée est soudain déchiré par <strong>le</strong> jet d’une étoi<strong>le</strong> filante.<br />
« Fais un vœux Gonzague ! »<br />
106<br />
Il y a peu de nuits aussi glorieuses que cel<strong>le</strong>s du Karoo. Il ne faut pas<br />
être féru d’étoi<strong>le</strong>s, de galaxies ou de trous noirs pour être transfiguré par<br />
la magie de ces nuits sans lunes. Il n’est même pas nécessaire de se<br />
laisser embourber dans <strong>le</strong> miasme des émotions qu’el<strong>le</strong>s éveil<strong>le</strong>nt. Il suffit<br />
de se laisser fondre <strong>le</strong>ntement, comme un chocolat dans la bouche, pour<br />
adhérer à la communion tota<strong>le</strong> et absolue d’un mirac<strong>le</strong> qui s’y répète<br />
chaque nuit.