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Hector Lemaître est tombé amoureux de son épouse Adè<strong>le</strong> lors d’une<br />
virée dans <strong>le</strong> Sud-Ouest. Ils se sont mariés dare-dare puis sont rentrés à<br />
Paris où Hector devait commencer une brillante carrière dans<br />
l’administration. Leurs deux fils Gonzague et Cédric ont passé toute <strong>le</strong>ur<br />
enfance et ado<strong>le</strong>scence dans la capita<strong>le</strong>. Voici deux ans que Hector a été<br />
muté à Bordeaux. Il prétend que c’est une promotion. Sanchez proclame<br />
qu’il s’agit d’une préretraite.<br />
Sanchez pense que Lemaître trompe sa femme régulièrement. El<strong>le</strong><br />
l’ignore ou fait semblant de l’ignorer et <strong>le</strong> sert à toute heure comme un<br />
enfant gâté. Selon lui, <strong>le</strong>s seuls coup<strong>le</strong>s qui vieillissent ensemb<strong>le</strong> sont<br />
ceux où l’épouse sert son mari comme si el<strong>le</strong> était sa mère. El<strong>le</strong> se sent<br />
indispensab<strong>le</strong> et <strong>le</strong> mari se sent comme s’il vivait encore chez sa maman.<br />
Le lien ne peut pas se briser.<br />
Raphaël n’a jamais passé beaucoup de temps avec ses cousins<br />
Gonzague et Cédric. Le courant n’est jamais passé entre eux. Les cousins<br />
Lemaître semblaient appartenir à un autre monde quand ils vivaient dans<br />
la capita<strong>le</strong>, un monde de luxe, de privilèges qui narguait et méprisait<br />
Raphaël, <strong>le</strong> cousin pauvre du sud.<br />
Dans sa naïveté, Raphaël est convaincu que son onc<strong>le</strong> Hector est<br />
capab<strong>le</strong> de s’attendrir devant <strong>le</strong> malheur de sa mère. Il pense qu’il a <strong>le</strong><br />
bras long et qu’il est capab<strong>le</strong> de secouer la léthargie des pouvoirs publics<br />
pour améliorer <strong>le</strong> destin de sa mère. Si l’onc<strong>le</strong> Sanchez n’a rien pu faire,<br />
croit-il, c’est parce que <strong>le</strong> secteur privé est trop taxé pour pouvoir créer<br />
des emplois. Par contre, <strong>le</strong> secteur public paie tel<strong>le</strong>ment de gens à ne rien<br />
faire qu’il doit y avoir une place pour sa mère, el<strong>le</strong> qui ne rechigne jamais<br />
devant la tâche.<br />
C’est dans cet état d’esprit que Raphaël monte à bord du bus Citram<br />
pour Bordeaux, <strong>le</strong> jeudi matin, avec l’intention de par<strong>le</strong>r à son onc<strong>le</strong><br />
Hector Lemaître. Sur <strong>le</strong> trajet qui <strong>le</strong> mène jusqu’à la gare routière de<br />
Bordeaux, il étudie toutes <strong>le</strong>s approches possib<strong>le</strong>s. Il pense qu’il sera<br />
préférab<strong>le</strong> de rentrer tout d’abord en contact avec ses cousins Gonzague<br />
et Cédric.<br />
Le paysage défi<strong>le</strong> sur la rive droite de la Garonne. La brume froide qui<br />
monte du f<strong>le</strong>uve et baigne <strong>le</strong>s vignob<strong>le</strong>s jaunis flotte comme une buée de<br />
tristesse.<br />
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