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« Je suis malchanceux. Cédric a de la chance, lui. Il rit tout <strong>le</strong> temps. La<br />

vie est injuste. Je suis déprimé ; je vais me suicider ! »<br />

Cela fait longtemps qu’Adè<strong>le</strong> Lemaître endure <strong>le</strong>s plaintes de son fils<br />

aîné. Gonzague joue avec la déprime et avec <strong>le</strong> suicide pour obtenir tout<br />

ce qu’il veut d’el<strong>le</strong>. Depuis qu’il a dix ans, Cédric doit faire <strong>le</strong> gardemalade<br />

et donner des nouvel<strong>le</strong>s régulières à sa mère. Cédric a horreur du<br />

poids de la responsabilité qui pèse sur ses épau<strong>le</strong>s. La tâche de<br />

surveillance est colossa<strong>le</strong> car il sait qu’on lui en voudra toute sa vie si<br />

Gonzague exécutait ses menaces.<br />

Cédric est d’un naturel enjoué. Il ne cherche qu’à rire au dépend de<br />

ceux qu’il rencontre. Il a un sens de l’humour aigre et se fiche de tous. Il<br />

rit des visages et expressions des gens. Il <strong>le</strong>ur trouve des gueu<strong>le</strong>s de rat,<br />

d’enfoiré, de marmite, de guenon, de pute, de maquereau et son humour<br />

plane au raz de la braguette.<br />

Le visage taillé en forme de brise-glace, grand et longiligne comme son<br />

père, Cédric prend la vie comme une énorme blague, une rigolade<br />

continuel<strong>le</strong>, un roman photo de gauloiseries. Même aux rares occasions<br />

où il lui est arrivé de p<strong>le</strong>urer, il donnait l’impression de rire. C’est un gai<br />

luron, vide comme une boîte à rire. Il ne prend rien au sérieux sauf son<br />

inconfort lorsqu’il doit vivre dans des conditions inhabituel<strong>le</strong>s. On peut<br />

rire alors de tout et de tous, sauf de lui.<br />

Raphaël s’est toujours refusé de s’abaisser devant ses cousins gâtés.<br />

Mais <strong>le</strong> désespoir de sa mère l’oblige à braver <strong>le</strong> comp<strong>le</strong>xe de supériorité<br />

des fils Lemaître. La mission qu’il s’est donné ce jour lui peine à tel point<br />

qu’il a du ava<strong>le</strong>r sa fierté plus d’une fois dans <strong>le</strong> bus Citram qui l’a<br />

conduit à Ta<strong>le</strong>nce.<br />

Une demi heure plus tard, <strong>le</strong>s joueurs se lèvent pour prendre congé. Le<br />

vieux Labrador du club passe renif<strong>le</strong>r <strong>le</strong>urs chaussures. Gonzague lui<br />

donne un coup de pied dans <strong>le</strong>s côtes et <strong>le</strong> chien s’enfuit en hurlant de<br />

dou<strong>le</strong>ur.<br />

« Pourquoi tu fais ça ? Demande l’étudiant en Lettres. T’es fin nul !<br />

-Il faut <strong>le</strong>s botter de temps en temps sinon ils se croient tout permis. Un<br />

coup ici, un coup là, et ils n’oublieront jamais qui est <strong>le</strong> maître.<br />

- Heureusement que tu ne t’appel<strong>le</strong>s pas Ducon !<br />

- Pourquoi ?<br />

- T’es ouf, vieux…<br />

-… »<br />

Renvoyé vers <strong>le</strong> parking, Raphaël rava<strong>le</strong> une bou<strong>le</strong> de fiel dans sa<br />

gorge. Sa colère fume comme une vapeur vindicative qui siff<strong>le</strong> d’une<br />

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