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-J’en ais rencontré des fous, mais celui-la, y bat tous <strong>le</strong>s records,<br />
murmure Gonzague.<br />
-Mais de quoi vis-tu, tonton, si tes moutons crèvent de faim ? Demande<br />
Cédric qui cherche encore <strong>le</strong> trésor.<br />
-On se débrouil<strong>le</strong>.<br />
-Comme <strong>le</strong>s gars des feux rouges ?<br />
-Alors on est venu au bout du monde pour apprendre à se débrouil<strong>le</strong>r ?<br />
Se plaint l’aîné. C’est ça ? Y’a rien à faucher ici. Moi, si ça continue, je<br />
vais me suicider. J’peux pas supporter ce b<strong>le</strong>d! »<br />
Marc plonge un regard austère sur Gonzague. Une obscurité éphémère<br />
vient de passer dans ses yeux. On sent qu’à l’intérieur de son corps, une<br />
chose vient d’éclater. Un tic paraît sur sa paupière gauche. Une certaine<br />
nervosité qu’il cache fort bien.<br />
« Gonzague, j’aimerais que tu arrêtes de par<strong>le</strong>r de suicide !<br />
-Attend que la pluie tombe pour ça, dit Cédric. C’est sa chanson<br />
préférée.<br />
-N’empêche que j’suis pas venu ici pour recevoir des sermons, grogne<br />
Gonzague.<br />
-Tu n’es pas venu ici pour apprendre quoi que ce soit. Je t’ai invité. Tu<br />
as accepté. C’est à moi à apprendre.<br />
-Si on avait su…<br />
-On n’aurait pas venu… ajoute Cédric.<br />
-Tu n’avais qu’à demander. A quoi te sert ta langue ? »<br />
Gonzague n’a plus envie de répondre. Il regarde Natacha de biais et<br />
sait très bien à quoi lui sert sa langue.<br />
*<br />
Raphaël converse un peu plus loin avec Albane. Il est parvenu à la<br />
sortir de son mutisme timide. Sa tête est baissée. Il distingue à peine son<br />
visage derrière <strong>le</strong>s longues mèches de cheveux qui tombent sur ses yeux.<br />
La jeune fil<strong>le</strong> s’échappe à peine d’une ado<strong>le</strong>scence poignante. Ses<br />
cheveux cou<strong>le</strong>ur de pail<strong>le</strong> tombée dans la cendre cachent une acné<br />
déprimante. Son ha<strong>le</strong>ine est fétide et el<strong>le</strong> par<strong>le</strong> très peu. El<strong>le</strong> porte des<br />
lunettes épaisses et démodées qui dissimu<strong>le</strong>nt un regard morne comme<br />
certaines institutrices de l’Eco<strong>le</strong> des Enfants de Marie. Ses vêtements<br />
amp<strong>le</strong>s et gris cachent un corps sans féminité. El<strong>le</strong> porte des nu-pieds<br />
trop grands car ses pieds transpirent abondamment et sentent trop<br />
souvent <strong>le</strong> Reblochon oublié.<br />
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