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véranda. Ici, <strong>le</strong>s afrikaners appè<strong>le</strong>nt ‘stoep’ <strong>le</strong>ur petite véranda qui court<br />
autour des maisons de pierre en offrant une maigre fraîcheur pour <strong>le</strong>s<br />
longues siestes. De jour, <strong>le</strong> ciel est de plomb et <strong>le</strong> sol de cuivre. De nuit,<br />
la lune tremb<strong>le</strong> comme un ref<strong>le</strong>t sur du granit noir et la terre semb<strong>le</strong> avoir<br />
disparu sous <strong>le</strong>s pieds. L’air devient alors respirab<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s nuits sont plus<br />
féeriques que partout ail<strong>le</strong>urs. C’est dans cette contrée inhospitalière que<br />
<strong>le</strong> ciel de minuit ressemb<strong>le</strong> au vieux manteau noir du Président Kruger<br />
piqué par des milliers de mites.<br />
Les garçons se sont repliés entre <strong>le</strong>s valises à l’arrière de la<br />
Landcruiser. Ils se sont emmitouflés pour s’abriter du vent qui siff<strong>le</strong> dans<br />
<strong>le</strong>urs oreil<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s saou<strong>le</strong>. Ils se sont rendormis en oubliant <strong>le</strong>urs soucis.<br />
Ainsi va la jeunesse. Plus tard, quand <strong>le</strong>s frères Lemaître s’éveil<strong>le</strong>nt, ils<br />
regardent <strong>le</strong>s plaines défi<strong>le</strong>r et Gonzague est à nouveau anxieux.<br />
« Tu crois qu’on va trouver des fil<strong>le</strong>s par ici ? Demande-t-il à son frère.<br />
-C’est un grand pays et il y aura encore pas mal de vil<strong>le</strong>s.<br />
-Je ne vois que des moutons ! C’est la dêche !»<br />
Le véhicu<strong>le</strong> passe une sorte de ruine en bord de route. Sur un pan de<br />
mur lézardé qui tient encore debout quelqu’un a peint en grandes <strong>le</strong>ttres.<br />
« Karen’s sex shop »<br />
«Merde ! S’écrie Cédric. On arrive trop tard. El<strong>le</strong> a fait faillite !<br />
-El<strong>le</strong> aurait du nous attendre.<br />
-Tu penses ! Les moutons ça paie mal…»<br />
La camionnette a quitté la nationa<strong>le</strong> Nl à Co<strong>le</strong>sberg. El<strong>le</strong> a traversé<br />
Middelburg puis emprunté la route de Graaf Reinet. Vers dix sept<br />
heures, el<strong>le</strong> bifurque dans la direction de New Bethesda, puis el<strong>le</strong> entre<br />
sur une route secondaire en terre en <strong>le</strong>vant un tourbillon de plâtre<br />
jaunâtre derrière el<strong>le</strong>. La poussière virevolte en aspergeant <strong>le</strong>s garçons<br />
qui somno<strong>le</strong>nt, groggy. Ils se rendorment et ne la sentent pas se glisser,<br />
insidieuse, sur <strong>le</strong>ur peau, sous <strong>le</strong>urs habits de marque et dans <strong>le</strong>urs<br />
cheveux gominés.<br />
A l’horizon, <strong>le</strong> ciel passe du b<strong>le</strong>u délavé au rose saumon. Le so<strong>le</strong>il<br />
tombe derrière <strong>le</strong>s montagnes en étalant des ombres grandioses de métal<br />
cramoisi. L’herbe sèche de la plaine tourne au blond ambré et <strong>le</strong>s<br />
montagnes lointaines prennent la teinte b<strong>le</strong>ue d’une mer en colère.<br />
Cela fait plus de huit heures qu’ils rou<strong>le</strong>nt au travers de l’Afrique du<br />
Sud. Il <strong>le</strong>ur faut une autre demi-heure pour arriver au bout de la route de<br />
terre. Le véhicu<strong>le</strong> ra<strong>le</strong>ntit, tourne et passe sous une arche construite en<br />
pierres brute, il cahote entre deux haies d’épineux puis s’immobilise. Le<br />
moteur s’éteint. Un si<strong>le</strong>nce inquiétant tombe sur <strong>le</strong> véhicu<strong>le</strong>. Le nuage de<br />
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