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Monique Cafalgua»<br />
*<br />
Une demi-heure plus tard, ils sont tous <strong>le</strong>s quatre assis sur <strong>le</strong>s sièges du<br />
hall de départ. Non loin d’eux, des voyageurs Africains papotent. Le<br />
crane rasé, ils portent des pantalons treillis de type mercenaires du Sierra<br />
Leone et exhibent <strong>le</strong>ur viande luisante comme l’ébène qu’ils ont pompé,<br />
pendant quatre heure chaque jour, dans <strong>le</strong>s sal<strong>le</strong>s de gym des banlieues<br />
Est. Raphaël se demande s’ils s’en vont revoir la famil<strong>le</strong> au Bandundu ou<br />
col<strong>le</strong>cter un lot de cocaïne ou un paquet de diamants commandités par la<br />
mafia marseillaise.<br />
Assis épau<strong>le</strong> contre épau<strong>le</strong>, deux anglais costumes de gris et cravate<br />
rayée de rouge écarlate observent l’écran de <strong>le</strong>ur ordinateur respectif<br />
planté sur <strong>le</strong>urs genoux. Leurs visages reflètent <strong>le</strong>s soucis et <strong>le</strong> stress de la<br />
compétitivité des affaires.<br />
Deux Chinois jouent avec <strong>le</strong>urs portab<strong>le</strong>s. Un gros Afrikaner brail<strong>le</strong><br />
dans sa langue nata<strong>le</strong> et lance des injonctions qui font rebondir son<br />
énorme panse. Il lâche un pet qui siff<strong>le</strong> comme un bec de bouilloire et va<br />
étouffer ses voisins. Prudemment, <strong>le</strong>s gens se lèvent l’un après l’autre et<br />
s’éloignent pour chercher un air moins vicié.<br />
Un comptoir d’Air France est pris d’assaut par une ribambel<strong>le</strong><br />
d’étrangers qui ont raté <strong>le</strong>urs correspondances grâce à l’inefficacité<br />
chronique du service d’immigration. Cinq Italiens mal rasés engueu<strong>le</strong>nt<br />
une hôtesse de tous <strong>le</strong>urs poumons nicotiniques. Ils viennent de passer<br />
trois mois sur une plate-forme pétrolière au Gabon et <strong>le</strong>ur patience est à la<br />
limite de la décence. Pour eux, chaque heure dans la civilisation compte<br />
trip<strong>le</strong>, d’autant que la mama et <strong>le</strong>s bambinos <strong>le</strong>s attendent dans <strong>le</strong><br />
Piémont.<br />
Une jolie fil<strong>le</strong> affalée dans un siège lit son magazine pour vieil<strong>le</strong><br />
ado<strong>le</strong>scente en opinant de la tête au rythme infernal du rappeur qui lui<br />
déchire <strong>le</strong>s tympans dans son MP3. Gonzague fait des efforts démesurés<br />
pour attirer son attention. Mais <strong>le</strong> rappeur gueu<strong>le</strong> plus fort et entraîne la<br />
bel<strong>le</strong> au royaume de l’illusion.<br />
On trouve des lambeaux d’humanité dans ce hall de départ : des gens<br />
aux yeux cernés qui viennent du bout du monde, n’ont pas dormi de la<br />
nuit dans une bétaillère de luxe, en survolant <strong>le</strong> globe à dix mil<strong>le</strong> mètres<br />
d’altitude et qui vont chercher on ne sait quoi de l’autre coté de la<br />
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