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fait mal à Martine. Son fils vient de passer deux mois et demi à trimer<br />
dans l’imprimerie de son père pendant que ses copains faisaient du surf à<br />
Biscarosse ou se bronzaient à Arcachon. El<strong>le</strong> pose son sac de cuir râpé<br />
sur <strong>le</strong> sol et regarde l’orage avec une lueur d'inquiétude dans <strong>le</strong> regard.<br />
Raphaël attend sa réponse. El<strong>le</strong> mâchonne son désespoir.<br />
«Je n’ai rien trouvé, souff<strong>le</strong>-t-el<strong>le</strong>. Ni sur Cadillac, Langon ou<br />
Bordeaux. Je suis trop qualifiée. Aujourd’hui, personne n’offre du travail<br />
à ceux qui sont trop qualifiés.<br />
-Qu’est-ce qu’on va devenir ? Demande Raphaël, angoissé.<br />
-Le chèque de pension alimentaire de ton père devrait couvrir tous <strong>le</strong>s<br />
frais de la rentrée scolaire. Tu as besoin de nouveaux vêtements. Ça fait<br />
six mois que tu portes des habits trop serrés.<br />
-Ça, c’est pas grave, répond l’ado<strong>le</strong>scent en haussant <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s.<br />
-On pourra à peine vivre avec <strong>le</strong> chômage. J’en ai marre de chercher. Je<br />
suis lasse.<br />
-Je l’ai dit à papa. Il a rit.<br />
-C’est un voyou, répond-el<strong>le</strong> en prenant la main de son fils. Il te force à<br />
travail<strong>le</strong>r tout l’été en usant de la pension alimentaire comme carotte. Il<br />
fait durer. Quel<strong>le</strong> est son excuse, cette fois ci ?<br />
-Il m’a dit que ses clients paient en retard et que <strong>le</strong> receveur est sur son<br />
dos. Ses fournisseurs ne sont pas payés.<br />
-La salade habituel<strong>le</strong> ! Il paiera quand l’avocat lui mettra <strong>le</strong> couteau sur<br />
la gorge.<br />
-Mais ça coûte cher un avocat, maman !<br />
-Il <strong>le</strong> sait et il en profite pour nous essorer comme des vieil<strong>le</strong>s lavettes»<br />
Dehors, la pluie crépite sur <strong>le</strong>s parapluies et la foudre gronde dans <strong>le</strong><br />
lointain.<br />
«Je me sens si vide, si inuti<strong>le</strong>, murmure Martine. La vie n’a plus de goût<br />
quand personne ne veut de toi ni de tes ta<strong>le</strong>nts. C’est comme si on cessait<br />
d’exister »<br />
Raphaël se lève. El<strong>le</strong> l’attire contre el<strong>le</strong>.<br />
«Je t’aime maman. Je vais essayer de t’aider. On va trouver quelque<br />
chose.<br />
-Vois-tu Raphaël, avoir un travail devrait être un droit fondamental pour<br />
tout être humain. Lorsque j’ai eu mon premier emploi, juste après la<br />
sortie de l’université, j’en ai presque p<strong>le</strong>uré de joie. Je me suis sentie<br />
valorisée. J’étais prête à travail<strong>le</strong>r très dur car on voulait de moi, on<br />
acceptait mes ta<strong>le</strong>nts, mes connaissances et mon enthousiasme. Tu ne<br />
peux pas savoir quel<strong>le</strong> fierté on retire du fait d’être valorisée.<br />
-Quand je pense qu’il y a des centaines de millions de gens sans emploi<br />
dans <strong>le</strong> monde !<br />
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