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du Karoo et qui plonge <strong>le</strong>ntement ses racines pernicieuses dans <strong>le</strong>urs<br />
esprits. Ce n’est qu’une question de temps pour que d’énormes racines<br />
s’y meuvent comme des tentacu<strong>le</strong>s de pieuvres géantes et déchirent <strong>le</strong>s<br />
chairs et <strong>le</strong>s cœurs. Leur oisiveté est un volcan qui risque d’exploser à ses<br />
dépends. Il <strong>le</strong> sait mais ignore ce qu’il lui faut faire pour éviter <strong>le</strong> pire.<br />
Pour l’instant, il se soumet aux tyrannies de ses cousins tout en<br />
s’efforçant de garder une certaine dignité et en protégeant chèrement ses<br />
moments de liberté.<br />
Dix minutes plus tard, il porte <strong>le</strong> plateau du petit-déjeuner et <strong>le</strong> dépose<br />
sur une tab<strong>le</strong> basse du stoep. Une agréab<strong>le</strong> odeur de toasts et d’œufs au<br />
lard se dissipe sur la véranda. Les aînés s’emparent de la nourriture<br />
comme des malotrus. Raphaël retourne à la cuisine pour y manger son<br />
petit-déjeuner en si<strong>le</strong>nce. Puis il repart vers la véranda avec <strong>le</strong> plateau<br />
contenant la cafetière et <strong>le</strong>s tasses.<br />
« J’ai trouvé un terrain de tennis, dit-il à son retour avec un ton aussi<br />
neutre que s’il disait : ‘Il faut chaud’<br />
Ses cousins figent <strong>le</strong>urs incisives dans <strong>le</strong>s toasts beurrés et lèvent des<br />
yeux hagards et incrédu<strong>le</strong>s. Cédric hausse <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s et se met à rire.<br />
« Le so<strong>le</strong>il t’a brûlé la cervel<strong>le</strong>, junior ! »<br />
Les autres gloussent d’un rire de profond mépris.<br />
« Quel con ! Lance Gonzague. C’est comme pour son histoire<br />
d’araignées !<br />
-Tu nous prends pour des retardés mentaux ? Dit Olivier. Va t’acheter un<br />
cerveau, cousin !<br />
-J’vous jure ! C’est sérieux. Vous al<strong>le</strong>z pouvoir taper la bal<strong>le</strong> »<br />
Un si<strong>le</strong>nce interrogateur s’instal<strong>le</strong>, entrecoupé par Olivier qui gratte <strong>le</strong><br />
brûlé de ses toasts, Gonzague qui gratte sa barbe de cinq jours et Cédric<br />
qui se gratte <strong>le</strong>s testicu<strong>le</strong>s.<br />
« Venez voir, insiste Raphaël. C’est à une demi heure de marche.<br />
-Si c’est un mensonge, on te passe <strong>le</strong>s couil<strong>le</strong>s au cirage, darde<br />
Gonzague.<br />
-J’vous jure… »<br />
Ils ava<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>ur nourriture et lampent <strong>le</strong> café instantané, puis ils vont<br />
s’habil<strong>le</strong>r comme pour al<strong>le</strong>r jouer à Roland Garos. Ils forcent <strong>le</strong> puîné a<br />
porter <strong>le</strong>urs sacs de tennis et quittent la maison. Ils marchent derrière<br />
Raphaël en suivant la route poussiéreuse et parviennent à un<br />
embranchement. Ils prennent à gauche, vers <strong>le</strong>s montagnes Loots. C’est<br />
encore une terre plane et desséchée infestée de rocail<strong>le</strong> et de petits<br />
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