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-Du sang ! Brail<strong>le</strong> Cédric.<br />
-Fais tes prières, junior ! Brame Gonzague en furetant de plus<br />
bel<strong>le</strong> comme un forcené»<br />
169<br />
Un coup de canon tombe sur la ferme.<br />
Raphaël est pa<strong>le</strong> comme <strong>le</strong> visage de cire des saints martyrs de l’église<br />
d’Olivier. Il revoit soudain <strong>le</strong>s corps séchés des criquets sur <strong>le</strong>s fils<br />
barbelés. Il pense à l’oiseau bourreau, <strong>le</strong> ‘laxman’ dont parlait son onc<strong>le</strong>.<br />
Un deuxième coup tombe. Les trois aînés sont figés dans <strong>le</strong>ur action<br />
meurtrière.<br />
« Merde ! C’est quoi ça ? Crie Olivier comme s’il venait de se réveil<strong>le</strong>r.<br />
-C’est quoi ? Répète Cedric, haggard.<br />
-C’est l’orage, balbutie Raphaël qui a soudain compris la raison de la<br />
furie du vent.<br />
-L’orage ? Quel orage ? …»<br />
Le canon est remplacé par la mitrail<strong>le</strong>tte. Ca gic<strong>le</strong> de tous <strong>le</strong>s cotés. Ca<br />
crépite sur <strong>le</strong> toit de tô<strong>le</strong>. Des grêlons gros comme des œufs de cail<strong>le</strong><br />
tombent du ciel sur toute l’étendue autour d’eux. On y voit pas à quatre<br />
mètres devant soi.<br />
Raphaël a profité de la diversion et du relâchement de ses poignets par<br />
ses cousins pour s’éclipser derrière <strong>le</strong> tracteur et <strong>le</strong>s rou<strong>le</strong>aux de barbelé<br />
au fond du hangar. Il s’élance vers la maison et court à travers la grê<strong>le</strong> qui<br />
<strong>le</strong> heurte de p<strong>le</strong>in fouet. A moitie assommé, l’arcade sourcilière en sang,<br />
la dou<strong>le</strong>ur des grêlons est pour lui <strong>le</strong> signe du salut providentiel. Il va<br />
s’aplatir dans un coin sombre derrière la maison, à coté de la vigne. La<br />
foudre tombe sur l’éolienne juste au-dessus de lui et cel<strong>le</strong> ci éclate en<br />
mil<strong>le</strong> morceaux. Saisi, choqué par la déflagration, Raphaël se replie<br />
comme un fœtus contre <strong>le</strong> mur, à peine abrité contre la férocité des<br />
éléments.<br />
Les aînés scrutent bêtement l’orage qui tombe si vio<strong>le</strong>mment.<br />
« C’est la fin de la sécheresse, cafouil<strong>le</strong> Cédric qui est <strong>le</strong> premier à<br />
réaliser et à se réveil<strong>le</strong>r de la folie »<br />
Gonzague regarde son couteau et semb<strong>le</strong> se demander pourquoi il a cette<br />
lame en main.<br />
Un autre éclair tombe derrière eux. Terrassés par l’effroi, ils se jettent à<br />
plat ventre dans la poussière du hangar. La vio<strong>le</strong>nce de la tempête <strong>le</strong>s<br />
subjugue. Leur bestialité s’est soudain apaisée, complètement domptée<br />
par la colère des cieux. Ils demeurent un instant allongés sur <strong>le</strong> sol puis,<br />
<strong>le</strong>ntement, se lèvent, <strong>le</strong>s yeux hypnotisés. Ils ont trop peur de la foudre et<br />
de la brutalité de la tourmente pour quitter <strong>le</strong> hangar. La foudre continue à<br />
tomber autour de la ferme. Il y a trop de métal dans <strong>le</strong>ur hangar mais ils<br />
ne s’en rendent pas compte sauf Cédric qui crie brusquement: