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« Est-ce qu’ils ont <strong>le</strong> droit de prendre de la viande boucanée dans <strong>le</strong>urs<br />
poches, mademoisel<strong>le</strong> ? C’est un vieux singe pourri qu’ils ont ramassé<br />
hier»<br />
L’hôtesse fait une petite grimace et Marc répond en souriant :<br />
«On va désodoriser l’avion après <strong>le</strong> voyage»<br />
Les trois aînés se regardent, abasourdis.<br />
«Quoi ? On va monter dans <strong>le</strong> jet ? Demande Olivier.<br />
-Vous pouvez rentrer par la route avec Bill si ça vous tente, répond son<br />
onc<strong>le</strong>. Ou même à pied. Vous en avez l’habitude, n’est-ce pas ?<br />
-Ils vont empester l’avion, dit Raphaël.<br />
-On veut rentrer par avion» Insiste Gonzague en fouillant vite son<br />
baise-en-vil<strong>le</strong> pour y prendre son After-Shave.<br />
Les trois aînés s’empressent de s’asperger de parfum alors que <strong>le</strong>s<br />
autres rient de bon cœur.<br />
*<br />
177<br />
L’avion décol<strong>le</strong>. Les aînés sont soudain baignés d’un respect<br />
condescendant pour cet onc<strong>le</strong> fermier dont <strong>le</strong>s amis puissants et riches<br />
possèdent des jets privés. Un petit sourire de plaisir traverse <strong>le</strong>urs visages<br />
alors que l’avion prend de l’altitude.<br />
Raphaël penche la tête vers <strong>le</strong> hublot et cherche à revoir la maisonnette<br />
et <strong>le</strong> lopin de terre du Karoo où il vient de passer <strong>le</strong>s plus bel<strong>le</strong>s vacances<br />
de sa vie. Il a oublié <strong>le</strong>s misères causées par des cousins trop gâtés. Il<br />
pense aux trois dernières semaines avec un pincement au cœur. Il revoit<br />
<strong>le</strong>s collines…brûlées de so<strong>le</strong>il qu’il a parcourut maintes fois à pied, tout<br />
ce pays envoûtant, étrange, tel<strong>le</strong>ment diffèrent de son pays d’origine.<br />
Aura-t-il l’occasion d’y revenir pour goûter aux nuits calmes sans lunes,<br />
piquées de milliards d’étoi<strong>le</strong>s, pour entendre la plainte du chacal, pour<br />
respirer la paix profonde du semi- désert ?<br />
Etait-ce un rêve ? Il agrippe son fauteuil et plante <strong>le</strong>s ong<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong> cuir<br />
comme pour s’assurer que <strong>le</strong> rêve continue. Il plane autour de lui une<br />
fragrance forte de cuir vieil<strong>le</strong> Ang<strong>le</strong>terre, mêlée avec <strong>le</strong> parfum suave de<br />
l’hôtesse, et l’odeur acide propre aux moquettes neuves des jets privés.<br />
Assise en face de lui, l’hôtesse Sabrina <strong>le</strong> regarde avec ses grands yeux de<br />
biche. El<strong>le</strong> lui adresse un petit sourire.<br />
Lorsque <strong>le</strong> signe lumineux s’éteint, Raphaël détache sa ceinture.<br />
« Est-ce que je peux al<strong>le</strong>r voir <strong>le</strong>s pilotes ? Demande <strong>le</strong> jeune garçon à<br />
l’hôtesse. J’aimerais voir comment c’est dans <strong>le</strong> poste de pilotage.<br />
-Bien sur, tu peux y al<strong>le</strong>r »