You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
<strong>le</strong> temps jadis. Il imagine <strong>le</strong>s maîtresses de maison successives<br />
baragouinant avec deux ou trois bonnes métis ou hottentots à l’époque où<br />
<strong>le</strong>s cuisines bourdonnaient de voix comme des ruches. Il imagine <strong>le</strong>s<br />
femmes en train de plumer <strong>le</strong> canard, découper <strong>le</strong> carre d’agneau, pe<strong>le</strong>r<br />
<strong>le</strong>s pommes de terre ou cuire <strong>le</strong>s rusks tout en racontant la litanie des<br />
potins glanés dans <strong>le</strong>s fermes voisines, au rythme <strong>le</strong>nt des chars à bœufs.<br />
132<br />
Raphaël se demande aussi pourquoi cette ferme n’a pas de personnel à<br />
part un vieux métis nommé Oom Jaap, tout courbaturé et à moitié aveug<strong>le</strong><br />
qui vient deux fois par semaine s’assurer que <strong>le</strong>s moutons et <strong>le</strong>s<br />
springboks ont de l’eau et assez d’herbe. Oom Jaap ne par<strong>le</strong> pas un mot<br />
d’anglais et rit constamment en montrant <strong>le</strong>s trois dents plantées de<br />
travers dans sa bouche comme des piquets d’une mauvaise clôture. Il<br />
arrive avec sa carrio<strong>le</strong> tirée par deux ânes et repart deux heures plus tard<br />
en riant et en parlant tout seul.<br />
Marc prétend qu’il ne guide pas ses ânes. Il <strong>le</strong>ur par<strong>le</strong> avec des ‘clic’ et<br />
de ‘clac’ de la langue qui résonnent bizarrement de sa bouche édentée et<br />
ils comprennent où al<strong>le</strong>r. Raphaël raconte à Olivier que Oom Jaap est un<br />
sorcier qui a plus de gris-gris que lui, connaît tous <strong>le</strong>s poisons du semidésert<br />
et sait comment traiter toutes <strong>le</strong>s maladies et <strong>le</strong>s morsures.<br />
« Tout sauf comment se soigner <strong>le</strong>s dents et éviter de devenir aveug<strong>le</strong>,<br />
ricane Cédric.<br />
-C’est parce qu’il a un voi<strong>le</strong> blanc devant <strong>le</strong>s yeux qu’il voit ce qu’on<br />
ne peut pas voir, réplique Raphaël. Il sait lire <strong>le</strong>s vibrations qui sont<br />
émises par <strong>le</strong>s gens.<br />
-Trip<strong>le</strong>s conneries ! Dit Cédric.<br />
-Bill <strong>le</strong> craint comme un sorcier aux pouvoirs étranges.<br />
-Quadrup<strong>le</strong> conneries ! Ajoute Cédric.<br />
-Je vais lui demander de t’envoyer une rage de dents et on va voir <strong>le</strong><br />
résultat…<br />
-Essaies et j’vais te dissoudre !<br />
-Alors, comme ça t’y crois à ses pouvoirs magiques ? »<br />
Cédric hausse <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s et va rejoindre Gonzague qui est prostré sur<br />
<strong>le</strong>s épais coussins des canapés de la véranda et bail<strong>le</strong> aux corneil<strong>le</strong>s.<br />
« Si on allait voir ce qu’il y a dans <strong>le</strong> hangar fermé ? Propose soudain<br />
Olivier pour rompre la monotonie de <strong>le</strong>ur oisiveté.<br />
-T’as plus peur des serpents ? Lui demande Gonzague en <strong>le</strong>vant la tête.<br />
-Je pense qu’il doit y avoir de la viande d’antilope séchée, ajoute Olivier<br />
en passant la langue sur ses lèvres. Ca sent un peu la viande de ce coté<br />
là…<br />
-T’es trop maigre, cousin Sanchez! Dit Gonzague. Tu cherches à te<br />
remplumer ?